Un nouveau regard sur la formation à l’échelle nationale : Le cas FC Porto

Tout d’abord, l’effectif du FC Porto est majoritairement composé de joueurs de la génération 2000-2001 à l’exception de Fabio Silva, Tomas Esteves (2002) et « os Diogos » : Queiros (1999), Leite (1999), Diogo Costa (1999). À noter que les Diogos, produits de la formation, ont été protagonistes, dans ce groupe composé des U19, exclusivement en Youth League du fait du règlement de la compétition qui permettait l’inclusion de 5 joueurs nés le 1er janvier 1999 ou avant cette date.

La saison passée s’illustre par un dénouement des plus glorieux puisque le FCP parvient à être champion national U19 à la dernière journée (37 pts) devant l’éternel rival, Benfica. Un titre qui vient s’ajouter au prestigieux trophée de vainqueur de la Youth League : un doublé historique comme porte drapeau d’une génération dorée.

Au regard de leur superbe saison, je me dédie à être un grand défenseur de la formation et de l’intégration des jeunes talents au sein de l’équipe première. Malheureusement, à l’échelle nationale et de manière plus spécifique, au sein du FCP, ça n’a pas trop été le cas ces dernières années. Voyez cela comme un euphémisme. Une gestion des jeunes assez catastrophique qui ne peut perdurer ad vitam æternam.

En ce sens, Bruno Fernandes déclarait dernièrement dans une interview pour la chaîne Youtube DeCadeirinha : « On doit partir du pays pour qu’ils comprennent la valeur que l’on avait et qu’ils se disent après : Mince, maintenant, on doit payer cher pour les rapatrier.. comment on fait ? »
C’est le reflet d’une triste réalité inhérente au football portugais sur les dernières années. En témoigne les exils de Bernardo Silva, Cancelo, Pedro Neto, Jordão, Diogo Dalot et du propre Bruno Fernandes, parti au Novara, en Italie, à l’âge de 18 ans seulement.

Néanmoins on assiste à un léger changement de paradigme à l’échelle nationale :

– Exemple du Seixal (Benfica) et les choix de B. Lage au sein du XI du SLB la saison passée
– L’investissement dans la Cidade Desportiva du Braga SC
– Porto qui va construire une nouvelle academia qui correspondra à un espace unique et non plus dispersé comme ce qui se faisait auparavant entre le Olival et o Campo da Constituição

Recentrons nous sur le FCP et sur ces jeunes qui se sont révélés cette année.

La qualité des miúdos est indéniable et l’exploiter devrait être, à mon sens, une condition sine qua none imposée par le board. Le corollaire de cela doit se distinguer par un processus de développement des joueurs en interne qui se doit d’être préférable et doit primer sur des choix de recrues douteux sur le marché ( Janko, Waaris, Ewerton, Andrade & consorts).

Attention, pas d’amalgames. Je ne dis pas que le scouting et l’exploitation du marché doivent être mis de côté. L’alliage pertinent des deux (formation / recrutement) permettant de constituer un effectif compétitif en corrélation avec l’identité et les valeurs de l’institution est capital. En partant de ce postulat, au regard de la qualité d’un Diogo Leite qui est, selon moi, l’un des tout meilleurs à son poste à l’échelle nationale, il est de l’ordre de l’incompréhensible que l’on puisse offrir 4 ans de contrat à Ivan Marcano (32 ans) qui n’a eu guère de regrets en abandonnant le club en fin de contrat pour s’engager à la Roma et qui a fait preuve d’une ingratitude assez indécente lors de la double confrontation Porto v Roma (huitièmes de finale de Ligue des Champions 18/19).

Dans le football de formation, j’ai tendance à dire que les titres importent peu. Ils ne doivent pas être considérés comme une fin en soi. C’est le processus de développement tactico-technique des joueurs qui doit primer ainsi que la transmission des valeurs et de la philosophie de l’institution parce qu’il ne faut pas renier l’identité qui a permis au FCP d’être un club de top mondial. Les titres, quant à eux, sont un plus en connivence avec le travail mis en place, a priori, favorisant l’émergence d’un environnement propice à l’évolution des joueurs.

Attention de ne pas tomber dans le paroxysme identitaire incarné par Sergio Conceição “ FC Raça, FC Bater no Peito, Mandar bocas FC”.

Si je poursuis sur l’importance de la formation il convient de me référer à Pepijn Linjders (2007-2014): « La formation ne survit que si l’équipe première l’exploite »

Pepijn Linjders est responsable du projet Visão611 formação du FCP (2006), impulsé par Antero Henrique, qui a consisté à investir et développer la formation afin d’avoir une nouvelle génération plus technique et dotée une mentalité plus offensive toujours sous le prisme du « Ser Porto » sous l’impulsion de l’école hollandaise.

Malgré les résultats peu probants de ce projet en matière d’exploitation des jeunes au sein de l’équipe première, la démarche, quant à elle, mérite d’en faire l’éloge. Par extension, il convient de souligner l’importance d’exploiter le travail effectué au sein de la formation à travers l’équipe première : vitrine d’une réussite de ce travail.

À l’instant T, quid de ces jeunes du FCP s’étant révélés à l’échelle nationale et internationale (Youth League, EuroU19, Coupe du monde U20) et quels sont ceux pouvant prétendre légitimement à une place dans l’effectif de Sergio C. ?

Suite à la campagne historique des U19 de la saison passée, le président Pinto Da Costa et Sergio C. s’étaient engagés à intégrer 4 joueurs de l’effectif U19. Qui sont-ils ?

Fábio Silva (2002)

Un profil d’attaquant dont ne disposait pas l’effectif dans le sens où il n’est pas tributaire d’une animation collective et peut participer à la construction et aux dynamiques offensives de l’équipe. Également, il ne se met pas en évidence par des caractéristiques physiques comme la majorité des avant-centre du groupe. Seulement 17 ans (depuis une semaine) mais déjà un sens du but et du placement notable. Très intéressant dans l’attaque de la profondeur, dans sa mobilité (capable de rechercher des espaces extérieurs afin d’attirer les défenseurs et ouvrir l’espace pour ses pairs), sa capacité à s’associer avec ses coéquipiers, mais également sur sa technique. Il est à l’aise avec son pied droit et son pied gauche, Marega devrait s’en inspirer. Mention spéciale pour son premier but avec l’équipe première, qui a permis au FCP de remporter la Taça Ibérica de pré-saison, en finale, face à Getafe. Néanmoins, il est peu probable qu’il bénéficie d’un temps de jeu raisonnable en équipe première étant donné la concurrence à ce poste et l’affect que voue Sergio C. à des profils, disons, plus robustes… À seulement 17 ans il démontre des qualités qu’aucun autre attaquant de l’effectif ne possède et tout cela laisse présager un futur des plus brillants.

Tomás Esteves (2002)

Sûrement la plus grande révélation sur l’année. Prototype du latéral moderne sachant exploiter tant la largeur que les zones plus intérieures du jeu. Sa mobilité, sa rapidité dans la prise de décision et sa capacité à solliciter des coéquipiers dans le cœur du jeu créant des triangles chers à Sacchi sont ses principaux atouts. ll se distingue, également, par un QI foot et une sensibilité tactique particulièrement développée qui influe sur la qualité de ses prises de décisions. Il défend et attaque bien et n’est pas avare en efforts. À l’heure actuelle, il a été le latéral droit le plus utilisé sur cette pré saison et semble prêt, malgré ses 17 ans, à s’imposer au plus haut niveau. Le gamin d’Aboim Das Choças épate et s’apprête à asseoir un international argentin sur le banc (Renzo Saravia). La confiance lui ayant été accordée durant la pré-saison sera-t-elle réitérée lorsque les matchs à enjeu arriveront ?

Romario Baró (2000)

Ahurissant de simplicité, de qualité technique dans le coeur du jeu, Romario Baró distribue les ballons avec une qualité et une maturité assez déconcertante. Une sensibilité tactique qui lui permet de penser plus vite et de mettre à profit sa vision de jeu dans le dernier 1/3 du terrain. Face aux départs d’Herrera et d’Oliver il pourrait s’avérer être une solution dans le cœur du jeu où il a pour l’habitude de jouer, dans un contexte différent certes (milieu à trois), où son football est sublimé. Néanmoins, Conceiçao ne semble pas le considérer pour cette position. Durant cette pré saison, il a évolué sur l’aile droite avec une recherche perpétuelle de protagoniste dans des zones plus intérieures en laissant le couloir à son latéral comme le font Otavio ou Corona lorsqu’ils évoluent sur l’aile (caractéristique du schéma de SC lors des transitions offensives —> 4x3x3 asymétrique). Enfin, il se démarque par une certaine aisance pour casser les lignes adverses tant balle au pied, en conduite qu’avec des passes de qualité. Il est, peut être, celui, avec Tomas, pouvant espérer bénéficier d’un certain temps de jeu cette saison, voir d’une place de titulaire.

Fábio Vieira (2000)

Dans un milieu à 3 avec les U19 du FCP, aux cotés de Mor N’diaye et Baró, il fonctionne comme un métronome dans le cœur du jeu. Il est plus à même de gérer les transitions défensives que Romario. Au delà du fait qu’il soit très doué techniquement, qu’il ait une bonne frappe et qu’il soit adroit sur coups de pied arrêtés, il s’agit d’un véritable playmaker. Il est l’instigateur de la majorité des circuits préférentiels de passe. Sans nul doute l’un des meilleurs joueurs de l’Euro U19 s’étant joué en Arménie et l’ayant d’ailleurs empêché de participer à la pré-saison du FCP. De fait, il évoluera certainement en B cette saison même si son inclusion dans l’effectif ne serait pas illégitime étant donné le No mans land lié à ce secteur de jeu au FCP actuellement.

Pour conclure sur ce sujet, clubisme à part (certains trouveront ça paradoxal) j’aimerais me référer aux propos de Renato Paiva (Entraineur du Benfica B et passé par presque tous les échelons de la formation du SLB). Dans une interview accordée au média portugais « Tribuna Expresso » il souligne que, dans le cadre du processus de développement individuel d’un joueur, il convient qu’il soit confronté à une réalité compétitive liée au niveau exhibé afin de ne pas inverser le processus d’évolution. Ainsi certains échelons peuvent s’avérer être devenu « trop petits » au regard de la qualité démontrée par le joueur et il faut éviter que ce dernier ne rentre dans une zone de confort où sa place ne serait pas menacée. Pour le bien du processus d’évolution du joueur, l’expérience de l’échelon supérieur le confrontera à de nouvelles exigences et permettra l’émergence d’un environnement plus propice à la progression et à la sublimation des qualités et ce, même si la capacité de répondre immédiatement à ses exigences, de la part du joueur, n’est pas acquise.

En ce sens, je défends l’inclusion et l’exploitation des miúdos qui, selon moi, aura une incidence positive sur leur processus de maturation et non l’inverse. S’ajoute à cela un facteur à ne pas négliger : actuellement, notre meilleur milieu a 19 ans (Baró), idem pour le meilleur gardien (Diogo Costa), le meilleur attaquant n’en a que 17 ( F. Silva) et le meilleur défenseur central n’en a que 20 (D. Leite).

PS: Gardez un oeil sur Mor N’diaye, Afonso Sousa & Vitor Ferreira.

Rémy Martins