SL Benfica : Au cœur de la face sombre du football serbe

Ces dernières années, de nombreux joueurs serbes ont porté le maillot rouge de Benfica avec plus ou moins de réussite. Retour sur les dessous d’une liaison dangereuse entre le club portugais et le football serbe.

Depuis près de dix ans, plusieurs joueurs issus des Balkans ont posé leurs valises au Portugal, notamment au Sport Lisboa e Benfica. De Nemanja Matic à Mile Svilar (qui possède la double nationalité serbo-belge), les joueurs serbes ont marqué les souvenirs des supporters des Aguias tout au long de la décennie.

L’histoire commence en 2012, alors que le Benfica, entraîné par Jorge Jesus, connait une fin de cycle. Les départs des deux tauliers Axel Witsel et Javi Garcia laissent un trou béant au milieu de terrain, qu’il faut à tout prix remplir. C’est à cette période qu’un jeune joueur, qui a joué le rôle de doublure l’année précédente, se fait remarquer. En effet, le géant serbe Nemanja Matic (1,94m) va petit à petit se montrer indispensable au sein du collectif de Benfica durant cette saison 2012/2013. Le 13 janvier 2013, il marque notamment les esprits en inscrivant ce que les Anglais appellent un stunner, à domicile face au FC Porto. Matic devient ainsi le premier joueur Serbe à faire son trou à Benfica, ce qui ouvrira la porte à beaucoup d’autres derrière lui.

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Été 2013 : pas moins de cinq joueurs serbes posent leurs valises dans la capitale portugaise. Certains avec plus de succès que d’autres. Et parmi les joueurs ayant rencontré un franc succès, nous appelons Lazar Markovic. Le scooter marque 5 buts et réalise 5 passes décisives en 26 matchs, ce qui pousse les Reds de Liverpool à payer 25 millions d’euros pour s’attacher ses services. Un joli coup pour Benfica, qui ne l’avait payé “que” 10 millions d’euros l’été précédent.

Mais tous n’ont pas connu un si beau parcours au Portugal. C’est, par exemple, le cas de Filip Djuricic, pourtant considéré comme l’un des joueurs les plus prometteurs parmi les acquisitions de Benfica cet été-là. En 22 matchs, le meneur de jeu serbe ne marque que deux buts, ce qui est loin d’être suffisant pour en faire autant avec les mémoires des supporters. Le milieu de terrain sera prêté plusieurs années de suite sans vraiment trouver de point de chute, jusqu’à son départ, libre, vers la Sampdoria en 2017.

Et c’est au total neuf joueurs serbes qui ont porté les couleurs du SLB depuis 2011. A l’heure actuelle, Benfica compte toujours des Serbes dans son équipe, à savoir Ljubomir Fesja, Andrija Zivkovic et Mile Svilar. Une relation serbo-benfiquiste faite pour durer ?

Un homme derrière la plupart de ces échanges : Fali Ramadani

Comme décrit plus haut, il existe un lien fort entre les joueurs serbes et le SL Benfica. Mais ce lien n’a rien d’anodin, et quand on y regarde de plus près, on se rend bien compte que plusieurs de ces joueurs sont liés de près ou de loin à l’agence Lian Sports, qui représente notamment Kalidou Koulibaly et Miralem Pjanic. À la tête de cette agence, un homme, Abdilfagar « Fali » Ramadani, le nouveau super-agent qui, avec l’aide de son mentor Pini Zahavi, est parvenu à gangrener le football des Balkans au fil des années.

Contextualisons : en 2015, la FIFA a interdit la « tierce propriété ». Fait commun au Portugal, la TPO (Thirt-Party Ownership) était un moyen de limiter les risques de perte sur un investissement lors d’un transfert, en partageant ce risque avec un fond privé. Gestifute, l’agence de Jorge Mendes, en était devenu le roi. Mais, début mars, la justice portugaise lance des perquisitions dans plusieurs clubs portugais et dans les bureaux de Gestifute, dans une affaire liée à de l’évasion fiscale et de la TPO.

Si Jorge Mendes a été l’une des cibles principales de ces Football Leaks, il semblerait que le Portugais ne soit pas le seul à s’en mettre plein les poches en terre ibérique. Fali Ramadani, patron de Lian Sports qui détient les droits d’Haris Seferovic à Benfica semble également avoir fait du Portugal son nouveau terrain de vente. Recrutant les joueurs très tôt en Serbie et Roumanie la plupart du temps, il les ferait transiter par l’Apollon Limassol en payant un petit prix aux clubs formateurs, pour les revendre ensuite tout en gardant une part sur la revente. Il utiliserait donc le club de Limassol pour continuer le TPO.

Le cas de Luka Jovic est assez parlant. En 2016, le jeune attaquant Serbe signe à l’Apollon Limassol, en provenance de l’Étoile Rouge de Belgrade pour un montant de 2 millions d’euros. A peine six jours plus tard, il s’engage à Benfica pour 5 millions d’euros de plus. Ceci s’explique par la TVA plus faible à Chypre, mais également par une volonté de Lian Sports d’avoir un plus grand contrôle sur l’avenir du joueur. En arrivant à Francfort en 2018, Luka Jovic avait expliqué qu’il aurait aimé rester un peu plus longtemps à Belgrade, mais que l’Etoile Rouge étant criblé de dettes, son ancien club avait accepté de la lâcher pour l’Apollon, club où il ne mettra jamais les pieds, pour une somme dérisoire.

Nous avons également le cas de Andrija Zivkovic, qui “joue” encore au Benfica. D’après le journal roumain ProSports, et la traduction du site footballski.fr, le président du Partizan Belgrade Dragan Duric aurait vendu 50% des droits économiques du joueur à l’Apollon Limassol contre 1.2 millions d’euros en 2016. Seulement, le contrat contenait une clause extraordinaire, presque lunaire. Si le joueur venait à refuser une offre de transfert officielle, le Partizan devait payer la moitié du montant de l’offre formulée à l’Apollon Limassol. Donc si, influencé par quelqu’un, un club venait à proposer 10 millions d’euros et que Zivkovic refusait, le Partizan devait tout de même payer 5 millions d’euros … dans le vent.

Et le Partizan recevra une offre de 5 millions de la part du Benfica, qui sera donc refusée par le joueur. Ainsi, le club payera 2,5 millions d’euros à l’Apollon comme convenu dans la clause, et Zivkovic, qui ne prolongera pas son contrat, signera directement à Benfica, sans frais de transfert.

Ces cas précis ne sont pas si isolés qu’ils pourraient le paraître. Cependant, l’influence qu’exercent Pini Zahavi et Fali Ramadani sur le football portugais pourrait peut-être arriver à son terme suite aux Football Leaks sortis fin février. A suivre.

Crédit photo : IconSport

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