Liga Bwin : La valse des entraîneurs

La séparation entre Jorge Jesus et le Benfica marque déjà le neuvième changement d’entraineur dans cette saison de Liga Bwin. C’est plus que n’importe quel autre championnat du Top 6 européen.

Ces derniers jours, le Benfica a choisi de se séparer de son entraineur Jorge Jesus, en décidant de confier les rênes du club au désormais ex-entraineur de l’équipe B, Nélson Veríssimo. Ce nouveau changement d’entraineur est déjà le neuvième en une demi-saison de Liga Bwin. La précarité du poste d’entraineur est une mauvaise tradition qui perdure au Portugal depuis quelques années.

Les chaises musicales

Benfica est le dernier club en date à avoir promut un nouvel entraineur. Mais dans la liste des clubs ayant changé d’entraineur cette saison, on retrouve également Santa Clara, BSAD, Marítimo, Boavista, Moreirense, Paços de Ferreira ainsi que Famalicão. On remarque aussi que nous parlons de neuf changements, mais seulement huit clubs sont cités. En effet, le cas le plus extrême est celui de Santa Clara qui a déjà viré deux entraineurs en moins d’une demi-saison : Daniel Ramos début octobre et son remplaçant Nuno Campos à la mi-décembre. Auteur d’une brillante saison lors de l’édition 2020/2021 avec une place européenne à la clé, Daniel Ramos n’aura pas tenu plus de huit journées avec une équipe açorienne méconnaissable. Cette situation démontre bien la précarité du poste d’entraineur au Portugal.

Au-delà des licenciements, le poste d’entraineur est sujet au jeu des chaises musicales au Portugal, et ce ne sont pas les exemples qui manquent. Dans le cas du Paços de Ferreira, Jorge Simão était arrivé cet été pour remplacer Pepa parti à Guimarães. Viré le 11 décembre, le Portugais a été remplacé par César Peixoto, sans club depuis son départ de Moreirense la saison passée. Autre exemple, celui du Marítimo. Julio Velazquez était arrivé au cours de la saison passée et a été remplacé en novembre par Vasco Seabra, libre depuis son départ de Moreirense la saison passée. Mais la situation la plus atypique jusque-là est celle de Petit qui a été viré du BSAD cette saison, et qui a déjà retrouvé un poste en Liga Bwin à Boavista.

Pour faire simple, parmi les six plus grands championnats européens, le championnat portugais est celui ayant connu le plus de changements d’entraineurs cette saison. En effet, selon les données de Transfermrkt, la Liga Bwin est devant la Premier League qui a connu six changements d’entraineurs, la Serie A et la Liga avec cinq changements, la Bundesliga avec seulement trois et la Ligue 1 avec un unique changement d’entraineur.

Une tradition portugaise

Cette saison ne déroge en rien aux habitudes des pensionnaires de la Liga Bwin. Si l’on prend la saison passée comme exemple, la dynamique est la même et s’est peut-être même accentuée. Lors de l’édition 2020/2021, le championnat portugais avait connu quinze changements d’entraineurs au cours de la saison. Il y a même eu quatre clubs qui ont changé deux fois d’entraineurs, et Guimarães qui a même changé trois fois de banc au cours de la même saison. Tous ces changements d’entraineurs se sont bien évidemment déroulés sur fond de chaises musicales. Des entraineurs ont réussi à retrouver un poste lors de la même saison, à l’image de Vasco Seabra viré de Boavista et engagé à Moreirense. Pour d’autres, ils ont réussi à retrouver un poste la saison suivante, notre saison actuelle, comme Lito Vidigal, Joao Henriques ou encore Joao Pedro Sousa.

Le championnat portugais a donc l’air de fonctionner en vase clos, avec un écosystème d’entraineurs qui ne change pas. Pourtant, ces mêmes entraineurs que nous voyons revenir saison après saison déçoivent bien souvent. Pour reprendre les derniers noms cités, Joao Henriques qui a été viré de Guimarães la saison passée, a aussi été viré de Santa Clara cette saison. Pareil pour Joao Pedro Sousa viré de Famalicão la saison passée et viré par Boavista cette saison. La question que l’on peut se poser est : pourquoi ces entraineurs sans cesse virés retrouvent-ils toujours un point de chute ? S’il est assez difficile de trouver une réponse certaine à cette question, il est toutefois facile d’imaginer des réponses possibles. On remarque par exemple que les clubs sont toujours en quête de résultats immédiats. Ils confient les commandes à des entraineurs qui n’ont peut-être pas le temps d’appliquer leurs idées de jeux, expliquant leur faible temps passé sur le banc et la confiance que peuvent leur accorder d’autres clubs.

Pour quand la stabilité des entraîneurs ? ?

Le constat qui est dressé ici ne se concentre que sur les deux dernières saisons de la Liga Bwin. Si l’on étudie une période plus importante allant de la saison 2018/2019 à aujourd’hui, certains clubs ont vu passer de nombreux techniciens à la tête de leur équipe. Le Marítimo a eu neuf entraineurs sur cette période avec une moyenne de 2,25 entraineurs par saison. Moreirense se rapproche aussi de ce constat avec huit entraineurs sur la période, comme le Boavista avec sept entraineurs. D’aucuns diront que les clubs évoqués ici sont des clubs qui luttent surtout pour le maintien. Certes, mais ce constat s’applique aussi aux « trois grands » portugais. Si Porto fait office d’exception avec la présence de Sergio Conceição sur le banc depuis plus de quatre années, le Benfica et le Sporting ont fait preuve d’instabilité depuis la saison 2018/2019. Les deux clubs lisboètes ont eu respectivement cinq et six entraineurs sur la période (en comptant les intérimaires), pour une moyenne au-dessus d’un entraineur par saison.

Il est évident qu’en présence de mauvais résultats, la direction veuille changer d’entraineur car c’est le choix le plus facile pour espérer un changement immédiat. Une étude menée sur la Ligue 1 par le chercheur du CNRS Luc Arrondel et corroborée par d’autres études en Europe, montre qu’un changement d’entraineur peut apporter des résultats dans l’immédiat. Toutefois, ceux-ci ne sont qu’éphémères et bien souvent obtenus à domicile, avec une équipe portée par le soutien de son public. Sur le long terme, le changement d’entraineur n’améliore pas les résultats et c’est surement pour cette même raison que certains clubs sont constamment obligés de changer d’entraineur, conduisant à un cercle vicieux. Une étude de la sorte mériterait d’être réalisée au Portugal afin d’avoir un constat précis et plus de chiffres disponibles sur ces cas.

L’apparente efficacité de cette solution est finalement injustifiée. L’entraineur n’est bien souvent qu’un bouc émissaire représentant une cible parfaite pour des directions qui se dérobent à leurs responsabilités. En réalité, il semblerait que certains clubs au Portugal souffrent d’un manque de cohérence dans leur projet sportif, et c’est peut-être par-là que devraient commencer à chercher les directions en quête de résultats : un projet sportif clair et de long terme associé à un recrutement réfléchi.

Crédit photo : IconSport

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