A l’étranger : Bernardo Silva à Monaco, l’adaptation d’un humble bosseur

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Ancien adjoint de Leonardo Jardim à Monaco, l’excellent et très sympathique Miguel Moita nous a raconté les débuts de Bernardo Silva en Principauté, où il a brillé durant trois saisons.

Il y a des joueurs qui ne laissent pas indifférents. Arrivé à l’AS Monaco en août 2014, trois petit jours avant de fêter son 20eme anniversaire, Bernardo Silva fait partie de ceux que tout le monde apprécie. Joueurs, supporters, et entraîneurs. Fidèle adjoint de Leonardo Jardim durant plusieurs saisons, et aujourd’hui dans l’attente d’un projet intéressant, Miguel Moita a vu évoluer le prodige portugais sur le Rocher de Monaco avant qu’il ne devienne, par la suite, le meilleur joueur de la Ligue 1 sur la saison 2016-2017. « Quand il est arrivé, on savait déjà qu’il était un bon joueur, nous a confié l’entraîneur de 37 ans. On connaissait sa qualité, mais on ne savait pas comment il allait se comporter. D’une part, au très haut-niveau et surtout, dans un championnat qu’il ne connaissait pas. »

L’adaptation d’un garçon simple

Parce que, en effet, quand Bernardo Silva s’engage avec Monaco, d’abord sous la forme d’un prêt avec option d’achat, le petit prodige ne compte qu’une trentaine de minutes au plus haut niveau avec Benfica. Trente petites minutes, dispatchées sur trois matchs, sous les ordres d’un Jorge Jesus qui ne comptait visiblement pas sur lui, si ce n’est à un poste d’arrière gauche loin d’être naturel pour celui qui avait été élu « Révélation de la II Liga » avec l’équipe B de Benfica sur la saison 2013-2014. « La plupart des Portugais commencent leur carrière au Portugal, lui a commencé la sienne en France. C’est à ça qu’on a pensé au début. Après, c’est un joueur qui a le talent, donc c’est toujours plus simple pour s’adapter », nous explique Miguel Moita, à propos des débuts du meneur de jeu à Monaco.

Du talent, il en a, c’est indéniable. Mais ce qui a aussi accéléré la réussite de Bernardo Silva à Monaco, c’est sa personnalité, qui lui a d’ailleurs permis de s’adapter rapidement à un environnement nouveau. « Sa personnalité a fait la différence, nous confie Miguel Moita. Bernardo, c’est un gars très intelligent. Pas que dans le football, dans la vie de tous les jours, il est vif d’esprit. C’est un garçon très humble, très simple. Quand il est arrivé à Monaco, la plupart des joueurs avaient de grandes maisons, lui en a choisi une petite et il disait que ça lui suffisait. C’est aussi dû à son éducation. »

« Bernardo était super intelligent »

A son arrivée à Monaco, le jeune Bernardo Silva a pu s’aguerrir aux côtés de plusieurs de ses compatriotes portugais, qui ont eu un rôle majeur dans sa progression. « A cette époque, il y avait beaucoup de portugais dans le club, se remémore l’ancien adjoint de Monaco. Déjà, il y avait Luis Campos, c’est l’un des principaux responsables de la venue de Bernardo à Monaco. Dans le groupe, il y avait aussi João Moutinho, qui l’a beaucoup soutenu. C’est aussi le cas de Ricardo Carvalho. Bernardo, c’était toujours le petit du groupe, apprécié par tout le monde, parce qu’il était super intelligent et toujours très intéressant. » Dans une interview accordée au média Sabado, Bernardo Silva dévoilait qu’à l’époque où il évoluait à Monaco, ses coéquipiers avaient l’habitude de l’appeler Chewing-gum, pour sa capacité à garder le ballon collé aux pieds. Délires de vestiaires, où il était particulièrement apprécié de tous.

On lé décrit généralement comme un garçon gentil, bien éduqué, et surtout très cultivé. « Il y a quelque chose de rare chez Bernardo Silva, nous raconte Miguel Moita. La plupart des joueurs jouent à la Playstation, ou regardent la télé durant leur temps libre. Bernardo, lui, il lit beaucoup. Tu t’en rends compte quand tu pars avec lui en stage. C’est un garçon qui a fait des études, ça se voit, il est vraiment très intelligent. »

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Miguel Moita, entraîneur adjoint à l’AS Monaco entre 2014 et 2016

Un temps d’adaptation

Et sur le terrain, qu’est ce que ça donne ? Un premier temps d’adaptation, typique des jeunes joueurs qui débarquent dans un nouveau championnat. « Son adaptation n’a pas été facile parce que le football français, c’est beaucoup de contacts physiques, précise celui qui a côtoyé le joueur durant deux saisons. Des fois, il avait du mal à savoir comment aborder les duels. On a voulu l’intégrer doucement. On s’est dit qu’on allait le mettre 15 minutes, puis 20 minutes, puis 30, pour savoir comment il s’adapte. Il n’a pas été phénoménal dès le début. A l’époque, on avait eu le temps pour le faire progresser. Lui, de son côté, a aussi compris que le foot français était plus physique que ce qu’il avait connu au Portugal et qu’ici, il y avait des joueurs avec qui il ne pouvait pas aller au duel. Il a compris qu’il devait anticiper davantage.« 

« Il a fait d’énormes progrès »

Des débuts logiquement timides, avant de connaître une fin de saison bien plus prometteuse, signe d’une progression linéaire pour le joueur qui connaît même sa première convocation avec le Portugal en mars 2015. « Il aimait venir de la droite dans l’intérieur du jeu pour combiner, mais il avait du mal à prendre sa chance. Il ne marquait pas beaucoup de buts. Souvent, il combinait bien, puis il disparaissait de l’action. On a souvent fait un travail spécifique où on le mettait en situation dans la surface, et il fallait qu’il tire en fonction de la position du gardien, dans des contextes différents. Là-dessus, il a fait d’énormes progrès. Il est devenu beaucoup plus présent dans la zone de finition », nous raconte l’entraîneur de 37 ans.

Des progrès qui se caractérisent par des statistiques qui parlent d’elles-mêmes. Buteur à seulement 3 reprises sur ses 25 premiers matchs de la saison en championnat, Bernardo Silva a inscrit 6 buts, et délivré 2 passes décisives lors des 7 dernières journées de Ligue 1 (2014/15). Phénomène.

La suite, on la connaît. Un titre de champion de France 2017, accompagné d’un trophée de meilleur joueur du championnat la même année, et surtout un départ à Manchester City qui fait passer le Portugais dans une autre dimension, le faisant même figurer dans le prestigieux Top 10 du Ballon d’Or en 2019. Bernardo est alors inarrêtable, mais l’un de ses rares défauts semble, pour beaucoup, l’empêcher de passer un cap et de s’affirmer comme l’un des tous meilleurs.

Un manque de leadership ?

A 26 ans, celui qu’on surnommait « Chewing Gum » il n’y a pas si longtemps que ça compte actuellement 49 sélections avec l’équipe nationale portugaise, et est considéré comme un joueur indéboulonnable des listes de Fernando Santos. Et s’il a été élu homme du match de la première finale de la Ligue des Nations, remportée par le Portugal, bon nombre de supporters de la Seleção en attendent encore plus d’un joueur aussi talentueux qui, disons-le, manque peut-être de leadership. « Le Bernardo que j’ai connu n’était pas un leader, nous a confié Miguel Moita à ce sujet. Parfois, il peut tirer l’équipe vers le haut par son jeu, mais c’est pas une personne qui parle aux autres, qui les motive. »

Alors, à défaut d’être un jour un leader, Bernardo Silva restera, quoi qu’il arrive, un joueur d’exception, reconnu pour son talent, mais aussi pour son humilité, sa gentillesse, et sa capacité à être apprécié par tout le monde de partout où il met les pieds. Peut-être qu’il en faut aussi, des joueurs comme ça, non ?

Crédit photo : IconSport