Emanuel Ribeiro (ent. adjoint FC Dila Gori) : « Les Géorgiens aiment vraiment le football »

Emanuel Ribeiro FC Dila Gori

À l’approche de l’Euro 2024, durant lequel le Portugal va notamment affronter l’équipe nationale de Géorgie, nous nous sommes entretenus avec Emanuel Ribeiro, entraîneur portugais qui évolue actuellement en tant qu’adjoint au sein du staff du FC Dila Gori. Actuel leader du championnat de première division de Géorgie, le technicien de 35 ans est revenu sur son aventure à Gori et sur le développement du football géorgien.

Vous avez un parcours assez riche, avec plusieurs voyages hors du Portugal. Comment avez-vous rejoint le staff de Rui Mota au FC Dila Gori en Géorgie ? 

J’ai déjà un passé loin du Portugal qui facilite l’adaptation pour un technicien. Avant de rejoindre le FC Dila Gori en Géorgie, j’avais une possibilité de retrouver un club en Norvège, mais mon frère, qui travaille dans le milieu du football m’a parlé de ce projet et des besoins de l’entraîneur Rui Mota, qui cherchait à constituer son staff technique. Des échanges positifs s’en sont suivis et il m’a convaincu de signer. Le fait d’avoir un staff technique portugais a été un plus.

Comment expliquez-vous le succès de nombreux entraîneurs portugais dans le monde ?

Je pense qu’il y a autant d’entraîneurs portugais éparpillés de partout dans le monde parce que nous nous adaptons très vite aux différents championnats, grâce notamment à notre professionnalisme. Nous arrivons à rendre les joueurs meilleurs sur plusieurs aspects de leur jeu, à travers le travail technique mais également les relations humaines. Notre manière de faire passer les messages est appréciée car nous voulons toujours le meilleur pour les joueurs, en améliorant les choses tout en faisant attention à la culture du pays. Notre force, c’est l’adaptabilité. On prend un peu de la culture du pays et on y rajoute notre touche. C’est notre cas en Géorgie, nous sommes le premier staff portugais à évoluer dans ce championnat et les choses se passent plutôt bien pour l’instant.

Vous êtes en Géorgie depuis quelques mois. Avez-vous été surpris par le niveau global ?

Lorsque je suis arrivé au FC Dila Gori, j’ai voulu connaître le championnat géorgien en visionnant les rencontres et en observant les joueurs pour me rendre compte du niveau global. J’ai retenu qu’il y avait une certaine disparité entre la première et la deuxième partie du classement. Mais depuis que je suis en fonction, j’ai été surpris du niveau très compétitif du championnat. Il y a plusieurs joueurs très talentueux qui pourraient s’exporter vers le Portugal ou vers d’autres championnats majeurs. À mon sens, il devrait y avoir des scouts pour surveiller ce championnat. C’est une ligue à suivre.

Le football géorgien s’améliore, certains joueurs évoluent désormais dans les principales ligues européennes. Selon vous, il y aura davantage de jeunes joueurs géorgiens au sommet au cours des prochaines années ?

Oui, la plupart des joueurs sélectionnés jouent hors de la Géorgie. Je crois que lors du dernier rassemblement, il n’y avait que deux ou trois joueurs issus du championnat national. Les Géorgiens qui évoluent ici ont une bonne qualité technique, cependant les autres joueurs évoluant dans les championnats européens ont une palette plus large, notamment sur le plan tactique, grâce aux entraîneurs qui leur ont inculqué leurs idées de jeu. Je pense aussi que ces joueurs ont progressé en jouant avec des joueurs issus des meilleurs championnats, et à l’avenir, ils seront de plus en plus nombreux à pouvoir aller se confronter aux meilleurs.

L’équipe du Portugal rencontrera la Géorgie à l’Euro, pour la première fois de son histoire. Que pouvez-vous nous dire à propos des forces et des faiblesses de cette équipe dirigée par Willy Sagnol ?

J’étais au stade lors des barrages contre le Luxembourg et la Grèce. Ce qui m’a frappé, c’est la solidarité des joueurs. Ils jouent les uns pour les autres. Ça se voyait qu’ils étaient en mission pour accrocher cette qualification. Ils ont joué le plus simplement possible afin d’éviter d’effectuer des erreurs. C’est une sélection avec de belles individualités offensives, qui peuvent faire la différence sur le front de l’attaque. Ce match sera compliqué pour le Portugal car les Géorgiens ont le sens du sacrifice. Ils jouent avec une base de cinq défenseurs qui vont essayer de faire déjouer la Seleção en resserrant les lignes et en jouant les contre-attaques à fond. Pour le Portugal, il faudra être patient et parvenir à accélérer le tempo lorsque ça sera nécessaire, en explorant plusieurs dynamiques différentes pour réussir à les déstabiliser.

Et qu’en est-il de la ferveur du peuple géorgien, vis-à-vis de cette sélection ?

J’étais impressionné aux abords du stade, et dans les ruelles de Tbilissi, où l’engouement était visible. Lors des deux matchs de barrage, le stade était à guichets fermés. Je crois qu’il y a eu énormément de soutien autour de la sélection, avec un espoir immense de se qualifier pour l’Euro. Désormais, le peuple géorgien est enthousiaste à l’idée de jouer cette compétition. Ici, les gens aiment vraiment le football, je pense que c’est la clé de toute cette ferveur.

La Géorgie a récemment organisé la championnat d’Europe des moins de 21 ans, avec un beau parcours jusqu’en quarts de finale. Selon vous, y a-t-il des jeunes joueurs géorgiens qui peuvent aspirer à un bel avenir ?

Les joueurs qui ont effectué un bon championnat d’Europe des moins de 21 ans ont ouvert la porte à de nouvelles opportunités. Certains d’entre eux ont eu la possibilité de jouer dans des championnats plus compétitifs, comme c’est le cas de notre capitaine Nika Gagnidze. C’est un joueur qui pourrait prétendre à partir définitivement à l’étranger. Cette jeune génération a des qualités criantes, une soif d’apprendre, et arrive à supporter une charge de travail importante afin d’imiter les joueurs déjà confirmés. Ce n’est qu’une question de temps.

Pour vous, la Géorgie est une passerelle pour une aventure dans un championnat plus compétitif, et notamment au Portugal, ou un réel projet pour le long terme ?

J’ai une trajectoire différente parce que j’ai travaillé principalement à l’étranger, où je me suis construis en tant qu’homme et en tant qu’entraîneur adjoint, mais c’est vrai que l’éloignement est parfois difficile à vivre. Même si j’ai pu assister à la naissance de mon fils il y a un an, lorsque je travaillais au Portugal, je suis désormais loin de lui et c’est compliqué de ne pas être présent au quotidien pour le voir grandir. J’espère un jour pouvoir passer plus de temps avec lui. Concernant un éventuel retour au Portugal, je pense qu’il faut toujours avoir la valise prête, car dans ce milieu tout va très vite. En ce moment, tout va bien en Géorgie, nous avons effectué une large revue de l’effectif lors du dernier mercato, avec de nouvelles arrivées. Nous sommes pratiquement à la moitié du championnat, il y aura ensuite une trêve de 2 mois cet été, durant laquelle on ne pourra pas prévoir le jour d’après avec certitude. Pour le moment, je suis focalisé sur ce projet et personne ne pourra dire le contraire, mais nous sommes des professionnels, et comme tous les compétiteurs, nous voulons nous confronter aux meilleurs championnats. Si ça se fait tant mieux, sinon tant pis, je suis assez tranquille dans ma tête.