Tout récemment, Paulo Sousa a été choisi par les Girondins de Bordeaux pour tenter de redresser la situation sportive du club. Avec une treizième place en Ligue 1, les Bordelais auront bien besoin de l’ancien milieu de la Juventus et de ses compétences. Paulo Sousa perpétue la digne lignée des entraîneurs portugais en Europe …
Présents aux 4 coins de l’Europe
S’il semble exister un facteur de succès et une valeur sûre pour les clubs européens, les entraîneurs portugais en font sans aucun doute partie. Nombreux sont ceux qui sont ou ont été à la tête de grands clubs, et ont pu mettre en avant leurs qualités. Bien souvent, cela a donné des résultats probants, avec une qualité de jeu rarement démentie.
Que l’on songe au plus célèbre d’entre eux, José « Special One » Mourinho et sa quantité de titres impressionnante depuis une quinzaine d’années, ou encore, à son ex alter-ego, André « Special Two » Villas-Boas passé par Chelsea comme le « Mou » ou par le Zenit Saint-Petersbourg, en Russie, les entraîneurs portugais ont brillé dans les plus grandes compétitions européennes.
En France, on pense au Monégasque Leonardo Jardim revenu sur le Rocher pour tenter de sauver le club, en perdition cette saison. Le tacticien de l’AS Monaco avait notamment réussi l’exploit de finir champion de France devant le PSG, tout en réalisant un parcours exceptionnel en Ligue des Champions lors de la saison 2016-2017.
Les entraîneurs portugais plaisent également aux sélections nationales : c’est le cas de Carlos Queiroz, le nouveau sélectionneur de la Colombie, auréolé, de plus, d’une grande expérience avec la sélection iranienne.
En Angleterre, les portugais ont aussi la côte. Marco Silva à Everton ou Nuno Espírito Santo à la tête de l’étonnant promu Wolverhampton sont deux entraîneurs qui réussissent les challenges imposés par le championnat le plus difficile du monde.
Au pays, dans deux styles complètement opposés, Sergio Conceição à Porto et Bruno Lage au Benfica, montrent des compétences tactiques et managériales particulièrement intéressantes. Le succès de ces deux entraîneurs se traduit par une passionnante course au titre qui rendra son verdict quelques semaines avant l’été.
Tous ces entraîneurs ont donc fait saliver l’Europe entière à diverses périodes et ont fait profiter leurs clubs respectifs de leurs compétences.
Pour un pays de quelques 11 millions d’habitants, le fait de trouver autant de techniciens dans les grands clubs est tout sauf un hasard. Le recrutement d’un entraîneur lusitanien n’est pas loin de garantir un certain savoir-faire dans le management, la technique et la tactique.
Artur Jorge, un précurseur en Europe
Cette histoire, la France l’a connu durant les années 80, avec Artur Jorge et sa fameuse moustache devenue une référence. Auréolé d’une carrière jalonnée d’innombrables succès s’étirant sur quelques trois décennies, le vainqueur de l’ancêtre de la Ligue des Champions en 1987 et ancien entraîneur du P.S.G. a ouvert la voie à de nombreux compatriotes dans son sillage.
Si bien que ces dernières années, de plus en plus de Portugais ont pris, avec succès souvent, la tête d’équipes de premiers plans. Que ce soit en club en tant qu’entraîneur principal (Mourinho au Real, à Chelsea ou à Manchester United), en tant qu’adjoint (Queiroz à Manchester United, à l’époque Ferguson) ou en tant que sélectionneur (Fernando Santos), la liste des clubs et des sélections ayant eu recours services des entraîneurs portugais est longue, car la garantie de succès est quasi-certaine.
Dès lors, il n’y a rien d’étonnant à trouver autant de Portugais dans des clubs jouants, chaque saison, le haut du panier. Parfois, les entraîneurs portugais sont appelés au chevet lorsqu’une équipe est mal en point, à l’image de Paulo Sousa à Bordeaux ou de José Mourinho qui était dans les petits papiers du Real Madrid pour remplacer Santiago Solari.
Une approche du football pluridisciplinaire
Si la vie d’un entraîneur est rythmée quasi quotidiennement par le jeu, la préparation des matchs ou les choix tactiques, il reste peu de place pour le reste. Et de ce point de vue, force est de constater que les discussions ne tournent que très rarement autour des goûts et des passions d’un technicien.
Pourtant, en 2017, à la veille des Quarts de finale de Ligue des Champions entre le Borussia Dortmund et l’A.S. Monaco, un papier parait dans le J.D.D. et suscite l’intérêt et la curiosité de l’ensemble du football français. La nature de l’entretien croisé entre deux hommes surprend un bon nombre de personnes.
La rencontre, somme toute (pas si) improbable que cela entre Leonardo Jardim, à la tête de l’A.S. Monaco, en route pour le titre de Champion de France et Edgar Morin, penseur, philosophe, sociologue et chantre de la « pensée complexe » suscite en effet la curiosité des fans de football.
Jardim est un admirateur inconditionnel de Morin. Lors de cet entretien, on apprend les petites ficelles techniques appliquées par le Portugais au football. Jardim y évoque notamment les différentes manières de parler à ses joueurs en fonction des différents caractères : « Je vais parfois parler lentement à un joueur, avec un discours posé. Alors que celui d’à côté, je vais lui casser la tête! »
Cette interview met finalement en avant la qualité première d’un entraîneur portugais : la méthodologie. Cette méthodologie trouve sa source dans une approche pluridisciplinaire alliant divers sujets gravitant autour du football, mais pas seulement.
Cette transposition intellectuelle au football démontre la relation étroite entre la pensée des entraîneurs et leur recherche de la performance, avec une idée bien précise que le football n’est que le résultat d’un travail en amont, et avec des imbrications nécessitant de prendre en compte davantage d’éléments qu’un simple ballon ou des chasubles.
L’entraîneur portugais, régime universitaire
Psychologie, réflexions profonde sur le jeu mais également sur ses facteurs externes, approfondissement dans les sciences du quotidien ou encore aspect physiologique… En bref, l’entraîneur portugais a la particularité d’avoir un recours croissant aux sciences humaines en règle générale, qui ne concernent pas uniquement le football.
Cette matrice dans la pensée et ses différentes fonctionnalités trouvent leur idée dans deux personnages réunissant la connaissance et la performance. Le premier concerne Manuel Sergio, l’homme que José Mourinho considère comme son mentor. C’est un spécialiste reconnu dans la motricité humaine, et un philosophe. Le second est Vitor Frade, créateur de la « périodisation tactique » à la Faculté du Sport de Porto.
Nombre d’entraîneurs ont suivis leurs enseignements et appliquent leurs préceptes à la lettre. D’ailleurs, la liste des personnes avec lesquelles Sergio ou Frade ont été en lien est éloquente. Et ce, même à l’étranger.
Vitor Frade explique rencontre avec un célèbre entraîneur français : « La première fois que j’ai rencontré Casanova, il m’a dit : « Etre à côté de vous, c’est comme être à côté du pape. »‘.
Ce mix entre technique et tactique, associé à une soif d’apprendre dans les clubs de jeunes ou dans l’ombre d’un mentor, démontrent un véritable particularisme des entraîneurs portugais. Cette volonté de toujours prendre en compte son environnement, conjuguée à des compétences non démenties font que les entraîneurs portugais sont généralement des gages d’efficacité.
Dans un monde du football stéréotypé dans lequel d’anciens joueurs devenus techniciens vivent sur leurs acquis, cette fraîcheur et ce côté universitaire permettent de changer le point de vue sur le football. Avec une ambition intacte et une force de caractère, les Conceição, Jardim et autres Bruno Lage ou Espirito Santo seront amenés à prendre du galon dans les années à venir.
Nous imaginons que les dirigeants bordelais avaient tout cela en tête lorsqu’ils ont jeté leur dévolu sur Paulo Sousa. Un gage de qualité « Made in Portugal ».