Ce mardi, le commentateur du championnat portugais sur RMC Sport Alex de Castro nous a accordé un entretien exclusif dans lequel il évoque sa vision du football portugais.
Depuis trois ans, vous avez pris l’habitude de le voir animer les matchs de votre équipe préférée sur RMC Sport. Ce mardi, l’excellent Alex de Castro s’est livré sur plusieurs sujets liés au football portugais pour Trivela.fr. Le journaliste évoque notamment son parcours, son avis sur la Liga NOS et sur l’avenir de la Seleção.
Salut Alex, merci de nous accorder cet entretien. Commençons par ton parcours. Comment es-tu devenu journaliste, et commentateur pour RMC Sport ?
J’ai un parcours scolaire assez classique. J’ai obtenu une licence LEA pour bien préparer les concours puis je suis rentré en école de journalisme. Après mon diplôme, j’ai réalisé mes premières piges pour SoFoot puis Eurosport où je commentais les matches sur leur site web. Pour RMC, ca s’est fait très simplement, à la création de la chaîne. Je tombe sur une news expliquant qu’une nouvelle chaîne de foot allait voir le jour et que la Premier League et le championnat portugais y seraient diffusés. Ayant toujours été passionné par la Liga, je me suis dit que j’avais un coup à jouer, donc j’ai postulé dans la minute qui a suivi, et c’est passé.
As-tu toujours eu ce rêve de commenter le football portugais, ou est-ce que ta spécialisation “Liga NOS” était plutôt un moyen de te démarquer ?
Déjà tout petit, je voulais devenir journaliste et c’est bien après que j’ai eu cette passion pour le football. Sans le football, je serai quand même journaliste. Quant au football portugais, c’est juste une spécialisation, un bonus. Je ne voulais d’ailleurs pas spécialement le mettre en avant quand je cherchais du boulot, mais au final c’est ce qui m’a ouvert les portes d’un milieu assez fermé et extrêmement concurrentiel. Je me régale à commenter la Liga NOS chaque week-end bien sûr, mais je ne veux pas m’enfermer dans un seul championnat, le football est bien trop vaste et intéressant pour ça.
Quel regard portes-tu sur la médiatisation du championnat portugais en France ? Penses-tu que la Liga NOS est reconnue à sa juste valeur ?
Je pense qu’il est reconnu à sa juste valeur depuis pas mal d’années. Le football portugais a connu un véritable âge d’or depuis le début des années 2000 : les réussites de Ronaldo et Mourinho, de la Seleção, des clubs portugais en Europe mais aussi la qualité des coaches, du recrutement, ont contribué à faire valoir le savoir-faire portugais en Europe. Donc même si la Liga NOS n’est pas encore au top niveau, elle a bénéficié de tout ce rayonnement et particulièrement en France où la communauté est très forte. En terme d’audience, ce n’est pas négligeable et des chaînes comme RMC, Ma chaîne Sport l’ont bien compris.
Qu’est ce qu’il manque à la Liga NOS pour que l’audience dépasse la communauté portugaise, à l’image de la Serie A, de la Liga espagnole, ou de la Premier League ?
De la compétitivité ! Il n’y a pas de secret. Tant que la Liga restera un championnat de transition vers les plus grands, le grand public ne s’y intéressera pas plus. Garder ses stars plus longtemps, être plus régulier en Ligue des Champions et surtout proposer plus de grandes affiches en championnat. La disparité de budget entre les grands et les autres est abyssale et ça se ressent au niveau du jeu, et du spectacle proposé. Tant que les grands clubs vampiriseront ce championnat en refusant la mutualisation des droits TV, la Liga ne progressera pas. Quand on voit qu’un club historique comme Boavista possède l’un des plus petits budgets du championnat, c’est que clairement, quelque chose ne tourne pas rond.
La plupart des grands coachs portugais entraînent actuellement à l’étranger. Penses-tu que cela est l’une des raisons du manque de compétitivité de la Liga NOS, et qu’on aurait un championnat plus compétitif si on arrivait à motiver les meilleurs entraîneurs portugais à rester en Liga NOS ?
Oui évidemment. mais pour ça, il faudrait que la Liga ait de plus beaux projets à offrir. Aujourd’hui quand un coach rayonne avec un petit club, il n’a que deux choix : partir pour un grand club portugais ou partir à l’étranger. Braga propose un choix intermédiaire intéressant, mais c’est le seul. Ça ne fait que quatre places au final. Passer du Maritimo au Rio Ave ou à Guimarães, c’est bien mais ce n’est pas non plus une avancée suffisamment significative, ni sportivement, ni financièrement. Et c’est pour cela que l’on voit partir un Pedro Martins à l’Olympiakos, ou un Luis Castro au Shakhtar.
En ce début de saison, Famalicão surprend et bouscule la hiérarchie déjà établie. Le projet du club est basé autour de l’investissement financier du milliardaire israélien Idan Ofer. Penses-tu que le développement de la Liga NOS devra forcément passer par des investisseurs étrangers ?
Sans la manne financière des droits TV, les petits clubs n’ont que très peu de solutions : la première c’est effectivement de survivre en attendant l’arrivée d’un mécène comme c’est le cas de Famalicão. Mais ce n’est pas un projet. C’est une loterie. Ou alors il faut mener des projets à très longs termes comme le fait Braga avec brio depuis 15 ans. Mais la patience n’est pas forcément la vertu première des clubs portugais… Rio Ave, Guimarães et Portimonense semblent cependant suivre cette logique de développement depuis quelques années et ce sont des clubs qui performent ces dernières saisons.
On connait ton attachement pour les entraîneurs et la façon dont ils font jouer leur équipe. Quel est l’entraîneur portugais qui te plaît le plus en ce moment ?
Effectivement, le boulot d’entraîneur demande tellement de compétence et d’ouverture d’esprit qu’il me fascine. J’avais fait une vidéo sur la fin de la hype autour des coaches portugais, et depuis ça se confirme malheureusement. Si on regarde les têtes de gondole, ça ne donne pas franchement envie : Mourinho est au chômage, Jardim et Marco Silva galèrent dans leurs clubs, André Villas-Boas essaye de se relancer à l’OM … J’aimais beaucoup le travail de Sergio Conceição mais il a tendance à s’enfermer dans ses idées et son jeu en pâtit depuis la saison dernière. Bruno Lage a montré de très belles choses tactiquement et dans la gestion des jeunes joueurs la saison passée, à voir s’il confirme cette année. C’est le grand espoir. Mais le plus intéressant actuellement selon moi, c’est Paulo Fonseca. Il a fait un excellent travail au Shakhtar. Il a de belles idées de jeu, de la personnalité et des résultats. S’il confirme avec un club comme la Roma, il pourrait devenir le nouveau coach portugais à la mode. Pedro Martins et Luis Castro également sont à suivre.
Le pragmatisme de Fernando Santos est souvent sujet à débats auprès des supporteurs portugais. A 65 ans, et après 5 années de hauts et de bas, on commence peu à peu à penser à sa succession à la tête de la sélection. Qui souhaiterais-tu voir dans le rôle de sélectionneur du Portugal, après l’épisode Fernando Santos ?
Quand ça gagne, on chante qu’on se fiche de la manière et quand ça va moins bien, on réclame du beau jeu. C’est un peu hypocrite… Après, on peut regretter que le niveau de jeu n’ait pas augmenté alors que Fernando Santos dispose de joueurs bien plus intéressants techniquement qu’à l’Euro. Mais bon, il a encore gagné un titre avec la Ligue des Nations donc c’est difficile de le contester. Pour la suite, j’adorerais voir Mourinho, ce serait toujours aussi pragmatique mais personnellement ce n’est pas un problème pour moi. La Seleção a trop longtemps été la « belle perdante ». Je préfère que l’on joue à l’italienne pendant 50 ans et qu’on finisse avec le même palmarès que la Squadra Azzurra. Un Euro et une Ligue des Nations c’est encore trop peu pour un pays de foot comme le Portugal. Sinon Leonardo Jardim serait intéressant, j’aimerais le voir ailleurs que dans le contexte monégasque où le trading de joueur à outrance l’empêche de travailler correctement selon moi. Le rôle de sélectionneur collerait bien avec sa personnalité.
D’ici quelques temps, le Portugal va perdre son capitaine, et le meilleur buteur de son histoire. A bientôt 35 ans, Ronaldo disputera peut-être sa dernière compétition internationale cet été, à l’Euro. Comment envisages-tu l’après-Ronaldo en Seleção ?
Personnellement, j’envisage une dépression et un arrêt du football (rires). Plus sérieusement, ce sera forcément compliqué tant Ronaldo aura marqué l’histoire du football portugais. Mais il ne faut pas oublier que le Portugal était déjà une grande nation de football avant lui, donc son départ ne doit pas servir d’excuse. Si la fédération portugaise travaille bien, si les clubs portugais s’améliorent sur la formation, la Seleção peut rester compétitive sans CR7. Mais je suis assez confiant. Quand je vois le nombre de bons jeunes qui percent actuellement. Si on prend le 11 actuel sans Ronaldo, ça a quand même de la gueule !
On parle beaucoup de la génération 1999, vainqueur de l’Euro U17 en 2016 et de l’Euro U19 en 2018. Quel regard portes-tu sur cette génération, que certains considèrent comme l’une des plus talentueuses de l’histoire du Portugal ?
Je n’accorde plus une grande importance aux résultats en jeune à vrai dire. On a en eu tellement des « générations dorées »… La seule génération dorée, ça reste celle de Figo et Rui Costa au final. Au Portugal, on forme d’excellents techniciens mais physiquement, le joueur portugais type n’a pas de grandes qualités physiques. Ce déficit n’est pas trop pénalisant chez les jeunes, mais après la plupart ne franchissent pas le cap en club à cause de ça (entre autres) selon moi. En ce sens des joueurs comme Trincão ou Jota pourraient avoir des difficultés par la suite. Ça dépend également du traitement qui leur est réservé en club, certains continuent de penser que les étrangers sont forcément meilleurs. Mais j’ai bon espoir que la réussite actuelle du Benfica en matière de formation bouscule cette façon de penser.
Trivela tient à remercier Alex de Castro, et vous encourage à le retrouver sur sa chaîne YouTube DC Footics, sur laquelle il partage sa passion pour le football.
Alexandre Ribeiro a lancé le site Trivela.fr en 2019 et le dirige aujourd’hui aux côtés de ses collaborateurs. Passionné par le football portugais dans son ensemble, et notamment par l’équipe nationale portugaise, c’est avec toute son énergie et son implication qu’il fait vivre ce média de façon quotidienne.