Bruno Fernandes, André Horta, Jota, Ruben Dias ou encore Tozé… Pour Trivela, le responsable de la communication du Tournoi Maurice Revello a passé au crible les jeunes joueurs portugais qui l’ont marqué ces dernières années.
Bonjour Amayes, tu es en charge de la communication du Tournoi Maurice Revello, qui accueille chaque année les meilleurs jeunes joueurs du football mondial. Que peux-tu nous dire sur ce tournoi ?
Le Tournoi Maurice Revello est surtout connu sous le nom du Tournoi de Toulon, parce qu’historiquement il s’est toujours appelé comme ça. On l’a renommé en hommage au fondateur, décédé en 2016, et aussi parce que depuis 2017, nous ne sommes plus dans le Var mais dans les Bouches du Rhône.
C’est un tournoi sur invitation, où 12 équipes internationales se rencontrent. Souvent, le tournoi sert de préparation aux tournois majeurs comme la Coupe du Monde U20 ou l’Euro Espoir, c’est pour ça que d’une année sur l’autre, on peut avoir des U19, des U20 ou des U21. Notre volonté, c’est de ramener des nouvelles nations à chaque fois, sans forcément de réunir les 12 meilleures équipes nationales. C’est une opportunité pour les spectateurs et les recruteurs d’avoir un œil sur des joueurs étrangers, mais aussi pour ces jeunes joueurs, d’acquérir une expérience différente.
Vous accueillez donc souvent des nouvelles nations, à l’image de l’Australie qui est prévue pour la prochaine édition. Cependant, des équipes semblent revenir avec récurrence. C’est le cas du Portugal…
Oui, en effet, on a une longue histoire avec le Portugal. C’est l’une des nations qui a le plus participé au tournoi avec 30 participations depuis 1975. On a noué de très bonnes relations avec les Portugais, peu importe la direction en place. Quand on peut les inviter, c’est toujours avec plaisir.
Bruno Fernandes avait déjà une finesse technique différente
Ces dernières années, plusieurs équipes portugaises ont réalisé de jolis parcours, c’est le cas de la génération 1994, qui a fini 3e en 2014. Que peux-tu nous dire sur cette génération ?
De toutes celles que j’ai vu, ce n’est pas celle qui m’a le plus marqué, notamment d’un point de vu collectif. J’ai plus retenu certaines individualités. C’est le cas de Bruno Fernandes, par exemple. A l’époque, il sortait juste de sa première saison en professionnel avec l’Udinese et il était vraiment impressionnant. Il avait déjà une finesse technique différente des autres et il prenait beaucoup le jeu à son compte. Je ne suis pas surpris de son évolution, au contraire, je trouve même qu’il a atterri un peu sur le tard dans une très grande équipe. Je l’ai vu à l’Udinese, à la Sampdoria, au Sporting, et je me disais, « mais quand est-ce qu’un gros club va miser sur lui ? » Peut-être qu’à l’époque, là où je ne le voyais pas exceller comme il le fait aujourd’hui, c’est dans sa capacité à être l’homme fort de l’équipe. On l’a vu capitaine au Sporting, parfois même à Manchester… Le talent, il l’avait déjà, mais j’ai l’impression qu’il a gagné en charisme.
D’autres individualités t’ont marqué au sein de cette génération ? On pense notamment à João Cancelo, qui rayonne aujourd’hui dans le Manchester City de Pep Guardiola…
Je suis déjà un peu plus surpris par le parcours de João Cancelo. A l’époque, il avait déjà des qualités, notamment dans le secteur offensif, il avait cette capacité à courir durant des kilomètres pour apporter le surnombre devant. Les qualités étaient là, mais quand on voit ce qu’il fait à City… c’est assez incroyable. On ne pouvait pas prédire ce genre de choses sept ans en arrière.
Cette année-là, Ricardo Horta est élu révélation du tournoi. Lui aussi a marqué les esprits ?
Sans manquer de respect à Braga, je le voyais aller un peu plus haut. A l’époque, quand j’ai vu qu’il partait à Malaga, je m’étais dit qu’il allait peut-être réussir en Espagne. Au final, ça a été un flop là-bas, mais je me souviens qu’il a fait un gros tournoi, il avait d’ailleurs marqué deux buts. Il avait en effet été élu révélation du tournoi en 2014, c’est un titre qui récompense un joueur un peu moins connu qui s’est démarqué.
Très jeune, Ruben Dias était déjà un taulier. Il y a des joueurs comme ça, ça ne s’explique pas.
Transition toute trouvée, on va maintenant parler de la génération du petit frère, André Horta, qui a participé au tournoi en 2016. On le décrit souvent comme un talent gâché, qu’en penses-tu ?
André Horta, pour le coup, c’est une vraie déception. J’ai vu qu’il était parti à Los Angeles, et que là, il jouait très peu à Braga. C’est étonnant mais comme quoi, la vérité de 2016 n’est pas forcément celle de 2021. C’est peut-être sa position plus axiale qui me fait dire ça, mais en terme de style de jeu, je préférais d’ailleurs André Horta à son grand frère Ricardo.
C’est une génération où on retrouve également Ruben Dias, qui, comme João Cancelo, fait partie des joueurs cadres de Manchester City cette saison…
Ruben Dias aussi était déjà très bon. A l’époque, il n’avait pas encore joué la moindre minute en équipe première à Benfica mais c’était déjà un taulier de son équipe, un leader naturel. Il y a des joueurs comme ça, ça ne s’explique pas. Ça ne m’étonne pas qu’il ait franchi autant de paliers si rapidement, j’ai l’impression qu’il a toujours eu beaucoup de maturité.
Il y a un autre joueur de cette génération qui m’a marqué, c’est le gardien Joel Pereira. C’est un poste particulier, où c’est pas évident de réussir à s’imposer. Il était très bon à cette époque. De souvenir, il me semble qu’on l’avait mis dans l’équipe type du tournoi en 2016. Je pensais qu’il arriverait à s’imposer dans un bon club, je suis plutôt surpris de ne pas le voir plus haut.
Si je devais définir Jota en un mot ? Artiste.
Un autre joueur a illuminé le Tournoi Maurice Revello, cette fois-ci en 2018, et peine à répondre aux attentes au plus haut niveau, il s’agit de Domingos Quina. Tu t’en souviens ?
Domingos Quina, c’était trop élégant balle au pied. J’aime beaucoup ce style de joueur. Il est capable de casser des lignes, aussi bien par la passe que par le dribble. A mes yeux, c’était l’un des plus gros potentiels de l’équipe cette année là. En plus, il avait de vraies qualités athlétiques. J’avais adoré, il a fait partie des hommes forts de cette très belle génération 1999 qui m’a vraiment marqué en 2018. J’avoue que je ne comprends pas trop sa trajectoire. Ce n’est pas forcément bon pour un jeune joueur de changer aussi souvent de club. Quand tu vois qu’il n’arrive pas à s’imposer dans un club alors que les qualités sont évidentes… J’espère qu’il prendra du plomb dans la tête parce que c’est un super joueur.
C’est une génération qu’on connait bien au Portugal, qui a notamment remporté l’Euro U17 et l’Euro U19, et qui se démarque par son nombre incalculable d’individualités fortes…
Il y en a un autre qui est très bon et dont je ne comprends pas non plus la trajectoire, c’est Jota. Il était exceptionnel balle au pied. C’est le genre de joueur, dès qu’il touche le ballon, t’es prêt à te lever de ton siège pour faire « oh, ah ». Je suis là depuis 2012 et des comme lui, y’en a pas eu beaucoup. Ceux qui n’aiment pas les dribbleurs diront qu’il en fait trop, mais pour le coup, je trouvais que tout ce qu’il faisait était juste. Je me souviens d’un match contre le Japon, où il marque d’ailleurs un coup franc fantastique… il leur avait tout fait. Tout. Même un simple contrôle de balle, c’était esthétique. Il m’a bluffé. Si je devais le définir en un mot, ça serait « artiste ». Avec ses bons et ses mauvais côtés. Quand il est en confiance, il peut te mettre le feu. Après, comme beaucoup d’autres dans ce style, il peut manquer de régularité. On aime le foot pour ce genre de joueur, ils sont différents.
Ruben Vinagre aussi, avait une belle activité dans son couloir et un beau pied gauche. Je l’avais trouvé performant dans les deux zones, devant comme derrière. C’est aussi un très bon joueur, on avait préféré mettre le Français Romain Perraud dans l’équipe type du tournoi pour le poste de latéral gauche, mais il était en balance avec lui. Je me souviens des discussions qu’on avait eues à son sujet. J’avoue que je suis un peu surpris qu’il n’ait pas réussi à s’imposer à Wolverhampton.
Il y avait aussi Francisco Trincão parmi cet effectif portugais en 2018, mais pour le coup, il ne m’avait pas spécialement marqué. Il n’avait pas fait un grand tournoi, mais bon, ça ne l’a pas empêché d’être monstrueux à l’Euro U19 juste derrière. Comme quoi, la vérité d’une compétition n’est pas forcément celle d’une autre.
Vitinha m’a épaté, c’est un joueur spécial
L’année suivante, une autre génération portugaise quasiment aussi talentueuse que la précédente avait également foulé les pelouses du Tournoi Maurice Revello. Vous communiquez beaucoup sur les exploits de Vitinha, des Wolves. Est-ce que c’était, selon toi, le meilleur de cette équipe ?
Oh oui. Je suis totalement fan de lui. C’est le genre de joueur, tu vois de suite qu’il a quelque chose de spécial. Il a un charisme impressionnant, c’est un vrai leader. Pourtant, physiquement, il ne paie pas de mine. Mais à chaque action, tous ses coéquipiers le regardent et cherchent à le trouver pour qu’il puisse diriger le jeu. Je me rappelle de son match contre l’Angleterre, qui comptait pourtant plusieurs joueurs de Premier League. Il s’était régalé. Il m’a épaté, c’est un joueur spécial.
Il y a-t-il d’autres joueurs de cette génération qui s’étaient distingués ?
Marcos Paulo, qu’on annonce du côté de l’Atlético de Madrid, m’avait aussi marqué. Je l’ai particulièrement suivi parce qu’on parlait beaucoup du fait qu’il soit à la fois Portugais et Brésilien. Il était intéressant sur son côté, et ses débuts réussis à Fluminense, au Brésil, ne m’étonnent pas du tout.
On parle beaucoup de Felix Correia, qui évolue actuellement à la Juventus et qui commence à faire ses premières apparitions dans le groupe de l’équipe première. Qu’en avais-tu pensé ?
Sur certains points, il m’a fait penser à Mesaque Dju, un autre joueur portugais qu’on avait vu jouer un an plus tôt au Tournoi. Ce sont des joueurs qui ont des qualités techniques et de la vitesse, mais qui ne sont pas réguliers sur 90 minutes. Ils sont sur courant alternatifs. Correia, c’est le genre de mec autour de qui tu peux facilement faire une compilation d’1 minute 30 à chaque match et donner l’impression que c’est un phénomène et qu’il a fait des exploits individuels durant toute la rencontre, mais en fait, loin de là.
En tant qu’amateur de foot, le Portugal est le genre d’équipe que tu as envie de voir jouer
On a vu que plusieurs trajectoires t’avaient surpris car comme tu le dis, l’a vérité d’un instant n’est pas forcément celle de l’avenir. Tu aurais des exemples d’autres joueurs portugais qui ont eu de belles carrières en professionnel, sans te sembler impressionnants en jeune ?
La génération de 2013 ne m’avait pas forcément marqué et pourtant, plusieurs joueurs ont eu de belles carrières. Un mec comme André Gomes, si tu m’avais dit à l’époque qu’il passerait par le Barça, j’aurais été un peu étonné. João Mario aussi, de la même génération, n’était pas forcément très impressionnant. A l’inverse, il y en a un que j’avais trouvé très fort, c’était Tozé. Petit de taille, vif balle au pied… Le voir jouer à Dubaï à 28 ans, je trouve ça un peu dommage.
D’un point de vu global, que penses-tu des équipes jeunes portugaises ? Il y a-t-il une uniformité entre les différentes générations ? Qu’est ce qui les distingue des autres sélections ?
J’ai eu la chance de voir plusieurs générations portugaises participer au Tournoi Maurice Revello depuis 2012, et le constat est toujours le même : quels que soit les joueurs présents ou le sélectionneur, ce sont toujours des équipes joueuses, offensives, toujours à la recherche de la possession de la balle. Je ne les ai jamais vu chercher à contrer, ils veulent toujours être protagonistes. En tant qu’amateur de foot, c’est le genre d’équipe que tu as envie de voir jouer. Ils savent prendre des risques sur le terrain.
Nous tenons à remercier Amayes Brahmi ainsi que l’ensemble de l’équipe du Tournoi Maurice Revello, à qui on souhaite de pouvoir organiser une 49e édition au moins aussi réussie que les précédentes, entre le 30 mai et le 13 juin prochain.
Crédit photo : IconSport
Alexandre Ribeiro a lancé le site Trivela.fr en 2019 et le dirige aujourd’hui aux côtés de ses collaborateurs. Passionné par le football portugais dans son ensemble, et notamment par l’équipe nationale portugaise, c’est avec toute son énergie et son implication qu’il fait vivre ce média de façon quotidienne.
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