Seleção – Euro 2020 : Comment expliquer le malaise Bruno Fernandes ?

Bruno Fernandes

Malgré des performances exceptionnelles à Manchester United, Bruno Fernandes peine à s’imposer comme le leader technique du Portugal.

Pour le moment, il est loin de répondre aux attentes placées en lui. Maitre à jouer de Manchester United depuis son arrivée en Angleterre en janvier 2020, le milieu de terrain portugais Bruno Fernandes peine à tenir ses standards habituels lorsqu’il vêtit le maillot de la Seleção. Samedi soir, le sélectionneur portugais Fernando Santos a même pris le parti de le laisser sur le banc au coup d’envoi du match entre le Portugal et la France (2-2), qui a permis à la Seleção d’accéder au tour suivant. Une rencontre, qui reste à ce jour le « match-référence » du Portugal en ce début de compétition, et qui devrait d’ailleurs servir de base au sélectionneur portugais pour les prochaines échéances.

Alors, est-ce dû à un manque de motivation ? A une fatigue physique finalement logique, après 18 mois de compétition à très haute intensité ? A un style de jeu inadapté à celui de son équipe, et à ceux de ses coéquipiers ? Nous avons tenté d’expliquer le malaise qui réside des matchs, bien trop souvent décevants, de Bruno Fernandes en Seleção.

Tous les regards braqués sur lui

Si Bruno Fernandes suscite autant l’attention des observateurs, c’est principalement parce que ses performances récentes, notamment depuis son arrivée en Premier League il y a 18 mois, l’ont fait basculer dans une nouvelle dimension. D’excellent joueur du championnat portugais, le natif de Maia est devenu l’homme fort du renouveau mancunien, et s’est affirmé comme l’un des tous meilleurs du monde à son poste. Et les statistiques parlent pour lui. En 51 matchs de Premier League, Bruno Fernandes a inscrit pas moins de 26 buts et délivré 18 passes décisives à ses coéquipiers.

Alors forcément, avec cette régularité et cette capacité à répéter les grandes performances, le monde du football en attend beaucoup de la part du numéro 11 portugais. A tel point que, quand son compatriote et futur entraîneur de l’AS Roma, José Mourinho, a tenté d’expliquer les maux du Portugal après la prestation collective catastrophique face à l’Allemagne la semaine passée (2-4), c’est principalement le nom de Bruno Fernandes qui ressort. « Bruno Fernandes est sur le terrain mais ne joue pas », avait-il lancé.

La fatigue, souci numéro 1 ?

Dans un premier temps, concentrons-nous sur les faits. Depuis le 19 juin 2020, soit, depuis 1 an et 7 jours, Bruno Fernandes a participé à 84 rencontres toutes compétitions confondues. 84 rencontres. Un record, parmi l’ensemble joueurs qui participent actuellement à l’Euro. Et ce chiffre prend tout son sens lorsqu’on constate que sur ces 84 matchs disputés en l’espace d’une seule année, le Portugais en a débuté 72 et a passé pas moins de 6 641 minutes sur les prés. Rien que ça. S’il n’est pas le seul et unique argument à mettre en lumière pour expliquer les prestations décevantes du joueur, celui de la fatigue ne peut donc être oublié des débats.

Un système de jeu défaillant

Vient alors une seconde piste de réflexion, moins factuelle, mais peut-être plus significative de l’absence constatée de Bruno Fernandes durant de nombreuses phases de jeu. Sur les deux premières rencontres du Portugal à l’Euro, le 4-2-3-1 de Fernando Santos, avec un double-pivot William CarvalhoDanilo Pereira n’a pas franchement facilité la mise en exergue des qualités du Mancunien. Positionné à plat, devant la défense, le double pivot a eu un mal fou à remonter le ballon et à effectuer la transition entre la partie basse et la partie haute du terrain. Sans joueur capable de casser des lignes derrière lui, Bruno Fernandes a ainsi été sevré de ballon, et son activité a donc été réduite à néant dans les phases de possession. En d’autre termes, le jeu ne passait pas par lui. Et lorsque le jeu ne passe pas par celui censé le mener, cela donne bien souvent une prestation collective proche du néant, comme celle constatée contre l’Allemagne.

Un manque de relation technique avec les autres offensifs

Enfin, on pourrait se demander si le style de jeu très vertical de Bruno Fernandes pourrait correspondre à celui du Portugal, et des joueurs qui composent son effectif. Généralement positionné dans le couloir droit de l’attaque portugaise, le joueur de Manchester City, Bernardo Silva, semble être l’archétype du joueur Bruno Fernandes-incompatible. Sa préférence pour le fait de recevoir le ballon dans les pieds plutôt que dans l’espace, et pour le jeu de position plutôt que pour un jeu plus direct qu’affectionne tout particulièrement Bruno Fernandes, rend la connexion entre les deux joueurs loin d’être évidente.

Et au-delà de ce manque de complémentarité avec Bernardo Silva, le meneur de jeu portugais possède également des difficultés à trouver Cristiano Ronaldo dans les meilleures conditions. Le but inscrit par le capitaine portugais face à Israël, le mois dernier, est, à ce jour, le seul qu’il a inscrit sur une passe décisive de Bruno Fernandes. Dans l’autre sens, le joueur de Manchester United n’a, lui aussi, marqué qu’un seul but sur un service de Cristiano Ronaldo : contre l’Algérie, il y a maintenant plus de trois ans. Des chiffres qui illustrent, là aussi, les difficultés du numéro 11 portugais à profiter de ses qualités et de celles de ses coéquipiers pour créer une synergie et des dynamiques intéressantes pour le collectif.

Que doit-on faire de Bruno Fernandes ?

Alors, que faire d’un joueur aux qualités individuelles indéniables, incapable de les apporter au collectif auquel il appartient ? Contre la France, Fernando Santos avait décidé de se priver de Bruno Fernandes au coup d’envoi, pour le faire entrer en jeu en seconde période sur le côté droit. Sans succès.

Dans ce 4-3-3 avec une pointe basse, qui semble avoir montré certaines garanties, avec notamment la complémentarité de João Moutinho et de Renato Sanches, ainsi que la préférence de Danilo Pereira ou João Palhinha pour évoluer seul devant la défense, Bruno Fernandes a, à priori, perdu sa place de titulaire. Dans ce contexte, le joueur de Manchester United semble désormais destiné à jouer le rôle du « joker de luxe », dans une équipe où il n’a, malgré toutes ses qualités, toujours pas trouvé sa place.

Crédit photo : IconSport