A l’étranger : Les Wolves, une forteresse depuis l’arrivée de Bruno Lage

Bruno Lage

Troisième meilleure défense de Premier League sur la première partie de saison, les Wolves de Bruno Lage impressionnent par leur solidité.

Mai 2019. Six mois après son arrivée sur le banc de l’équipe première de Benfica, Bruno Lage permettait à son club de toujours d’être sacré champion du Portugal, au terme d’une incroyable remontada infligée à Porto au classement. A travers des principes de jeu offensifs, l’entraîneur portugais était parvenu à remporter 18 des 19 rencontres de championnat disputées avec les Aigles, et à égaler le record de buts marqués par le club lisboète sur une saison de championnat (103). Grâce notamment à son duo João FélixHaris Seferovic, le natif de Setubal a également dépassé une moyenne de 3 buts inscrits par rencontre, avec, en guise de point d’orgue, un inoubliable massacre à domicile contre le Nacional (10-0).

Vous l’aurez compris : Bruno Lage est un entraîneur qui prône le football offensif, la créativité et donc, le spectacle. Et en arrivant aux Wolves cet été, de nombreux observateurs ont pu se montrer réticents avec le style de jeu préférentiel de l’entraîneur portugais, appliqué à un championnat très intense, où bien défendre est au moins aussi important que bien attaquer. Des largesses défensives et des valises de buts encaissés étaient donc à prévoir, notamment face aux cadors du championnat comme Liverpool, Chelsea ou Manchester City, qui savent se montrer sans pitié lorsqu’il s’agit de corriger un adversaire trop ambitieux. Mais pour le moment, il n’en est rien. A une petite journée de la fin de la phase aller du championnat, les Wolves de Bruno Lage sont la troisième meilleure défense de Premier League, avec moins d’un but encaissé par rencontre. Explications.

Des difficultés offensives

13 buts marqués, 14 buts encaissés après 18 journées de Premier League. Qui aurait pu s’attendre à de telles statistiques pour une équipe dirigée par Bruno Lage, dont les intentions sont toujours aussi portées vers l’offensive ? A priori, pas grand monde. Mais s’il faut les prendre avec des pincettes, il faut aussi savoir choisir les bons chiffres pour établir la bonne analyse. Loin d’être devenue une équipe « défensive », les Wolves font preuve d’un sérieux manque de réalisme devant les buts adverses cette saison. Actuelle deuxième pire attaque du championnat avec 13 buts marqués, l’équipe de Wolverhampton dispose cependant de 19,23 expected goals depuis le début de l’exercice, ce qui en fait la quatorzième attaque qui se crée le plus de situations chaudes sur les buts adverses. Pas non-plus de quoi s’affoler, mais les Wolves sont, derrière la lanterne rouge Norwich, la deuxième équipe du championnat en terme de différence de buts et de xG, avec un indice impressionnant de 6,23. En d’autres termes, si on considère les actions créées par le club anglais depuis le début de la saison, celui-ci aurait dû marquer environ 50% de buts en plus.

Mais malgré ces difficultés offensives évidentes, les Wolves parviennent à maintenir leur rang et à s’installer dans la première partie de tableau. Pour l’heure, les hommes de Bruno Lage sont huitièmes de Premier League, au coude à coude avec des équipes comme Tottenham, Manchester United ou encore le surprenant West Ham. Une place honorable, que l’entraîneur portugais doit surtout à son système défensif particulièrement aiguisé, que les adversaires peinent encore à percer.

La muraille des Wolves

14 buts encaissés en 18 matchs, donc, soit une moyenne inférieure à 0,8. Aussi surprenant que cela puisse paraître, les Wolves de Bruno Lage sont actuellement à la dernière marche du podium des meilleures défenses de Premier League, derrière Manchester City (9 buts) et Chelsea (12 buts). Ainsi, les Loups se sont montrés plus solides que Liverpool (15) ou que Tottenham (19), qui compte d’ailleurs trois matchs de moins. Si sur l’aspect offensif, il y a certainement des choses à revoir pour préparer la deuxième partie de saison, les Wolves peuvent cependant s’appuyer sur une base défensive solide, y compris dans les grands rendez-vous.

Sur cette première partie de saison, personne n’a réellement réussi à faire sauter le verrou de la formation dressée par Bruno Lage. Pas même les favoris du championnat. En effet, s’ils n’ont, pour le moment, toujours pas gagné face à l’un des membres du top 4 de Premier League, les Wolves n’ont pas non-plus subis leurs foudres. En début de saison, Manchester United (0-1) et Tottenham (0-1) s’étaient imposés sur la plus petite des marges face à Wolverhampton, dans des matchs bien plus équilibrés que prévu. Durant ce mois de décembre, le club anglais s’est de nouveau incliné sur un petit écart face à Liverpool (0-1) puis à Manchester City (1-0). Ce week-end, c’est Chelsea (0-0) qui s’est cassé les dents sur la muraille de Wolverhampton, avec notamment un grand José Sa dans les buts. Sur la première partie de saison, seuls Brentford, Crystal Palace et Aston Villa sont parvenus à inscrire plus de 1 but au gardien portugais, tandis qu’aucune de ces trois équipes n’a réussi à en marquer plus de 2. Régularité.

Un système à trois, ou cinq défenseurs

Mais alors, comment se constitue la défense si solide des Wolves depuis le début de saison ? Dans une volonté de s’appuyer sur le travail précédemment réalisé par Nuno Espirito Santo – bien que le style de jeu recherché soit totalement différent -, le nouvel entraîneur des Loups Bruno Lage a maintenu la défense à trois très souvent utilisée par son prédécesseur. Alors que le capitaine Conor Coady se situe généralement au centre du trio défensif, le jeune Max Killman et l’expérimenté Romain Saiss viennent l’assister dans des positions légèrement plus excentrés. Les trois défenseurs centraux sont également accompagnés de pistons qui, à l’image du Portugais Nelson Semedo et du Franco-Algérien Rayan Ait-Nouri, ont des rôles à la fois offensifs et défensifs. Dans l’entrejeu, des joueurs comme Ruben Neves, João Moutinho ou Leander Dedoncker permettent à l’ensemble du bloc de presser efficacement pour pousser l’adversaire à la faute, et de créer le danger pour les attaquants. Un système bien ficelé qui commence à prendre forme, et qui masque certaines lacunes clairement identifiées par l’entraîneur portugais en début de saison.

Des lacunes identifiées et comblées par Bruno Lage

Bruno Lage ne s’y trompe pas : s’il dispose d’un onze de départ de qualité, l’entraîneur portugais sait qu’il n’a que très peu de profondeur d’effectif, et que certains de ses titulaires n’ont pas forcément les compétences pour évoluer dans un système aussi exigeant que le sien. C’est notamment le cas de Conor Coady, défenseur central connu notamment pour ses qualités dans les duels, mais qui a parfois pu montrer des difficultés pour jouer dans une ligne défensive aussi haute que celle imposée par Bruno Lage. « Je ne souhaite pas voir Conor dans un rôle plus reculé que les deux autres centraux comme il a pu le faire par le passé », a récemment déclaré l’entraîneur portugais. « Nous cherchons à faire en sorte qu’il n’ait pas besoin d’être rapide. Ils travaillent à trois, en respectant la ligne et les espaces, et en bougeant ensemble. Lorsque vous défendez sur la même ligne défensive, vous pouvez plus facilement sortir sur un adversaire qui tente de se déplacer entre les lignes », a-t-il enchaîné.

Un système exigeant, qui implique donc une compréhension totale des préceptes de jeu de l’ancien entraîneur Benfica. « Il est important que les attaquants comprennent également la gestion des moments et la façon dont nous pressons. S’ils y vont et que les milieux de terrain y vont aussi, ça ouvre des espaces, et ça devient très difficile pour nos défenseurs de quitter leur poste pour presser un adversaire entre les lignes. Si nos attaquants défendent de manière plus compacte, en tant qu’équipe, ça devient plus facile de savoir à quel moment il faut appuyer le pressing. Cela rend les choses plus simple pour l’ensemble des joueurs », s’est exprimé le méticuleux Bruno Lage.

L’importance de l’analyse vidéo dans la confection d’un équilibre défensif

Sa réussite sur l’aspect défensive, Bruno Lage la doit également aux deux analystes qu’il a ramené dans ses bagages, Jhony Conceição et Diogo Camacho. Cette saison, l’entraîneur portugais a imposé très largement l’usage de l’analyse vidéo à l’issue des entraînements. Pour analyser sa propre équipe ou son futur adversaire, l’ancien entraîneur de Benfica a pris l’habitude de réunir son groupe derrière l’écran plusieurs fois par semaine. « Je pense qu’il est important, lorsque vous avez terminé l’entraînement, d’aller dans un endroit calme pour analyser les choses », a-t-il récemment déclaré.

Et s’il considère que 80% de ses séances sont principalement destinées à l’utilisation du ballon en phase offensive, Bruno Lage avoue accorder davantage d’importance à l’analyse vidéo de son système défensif. « On réunit plus souvent les défenseurs que les attaquants », a-t-il dévoilé, avant d’ajouter : « A chaque fois, on analyse le comportement de la ligne défensive et on discute autour de ça. Il s’agit d’arriver à jouer de sorte à ce que les joueurs soient à l’aise pour s’exprimer. Nous faisons donc des réunions régulières, parfois avec les trois défenseurs centraux, parfois même avec la ligne de cinq. Nous examinons de façon individuelle la façon dont ils utilisent leur corps, leur pied, leur réaction, comment se comporter face à un attaquant en fonction de son pied préférentiel, de ses mouvements. Ce genre de petits détails. »

La méthode Lage commence à plaire

Pour qu’elles soient suivies à la lettre, les indications de Bruno Lage se doivent d’être claires et comprises par l’ensemble de l’effectif. Et pour l’heure, le message semble passer auprès des joueurs. Auteur d’une très bonne première partie de saison, Conor Coady a récemment vanter les mérites de son nouvel entraîneur, qu’il semble apprécier tout particulièrement. « Nous aimons simplement apprendre une nouvelle façon de jouer au football », a-t-il récemment déclaré en conférence de presse. « Beaucoup de gens regardent notre façon de jouer et pensent qu’on joue de la même manière que lors des années précédentes, mais ce n’est absolument pas le cas. Nous sommes désormais beaucoup plus agressifs et c’est à nous d’essayer de nous adapter à la façon dont l’entraîneur souhaite le faire. Le manager est fantastique, la façon dont il parle, s’organise, et son attention aux détails est incroyable », a ajouté le défenseur central.

La prochaine étape

Capitaine des Wolves depuis maintenant cinq saisons, Conor Coady possède un rôle prépondérant dans le système de Bruno Lage, et devrait continuer à être l’un des hommes forts de son équipe sur la deuxième partie de saison. Cependant, si les Loups veulent déjouer les pronostiques en championnat, ils devront également compter sur d’autres cadres de l’effectif dans l’autre moitié du terrain. Pour l’heure, le Sud-Coréen Hee-chan Hwang est le meilleur buteur de son équipe cette saison, avec seulement 4 petits buts marqués, tandis que la référence offensive Raul Jimenez n’en compte que 3. Le polyvalent Adama Traoré, ainsi que le tout jeune buteur portugais Fabio Silva n’ont, quant à eux, toujours pas trouvé le chemin des filets cette saison.

Pour Bruno Lage et son groupe, le prochain défi consistera donc à garder cette même rigueur défensive, tout en parvenant à concrétiser davantage les actions qu’ils parviennent à se créer. Une condition sine qua none si les Wolves veulent enfin s’affirmer comme une équipe qui compte dans le haut de tableau de Premier League, sous la houlette de leur entraîneur Portugais.

Crédit photo : IconSport