Une restructuration nécessaire au dernier niveau de la formation du Benfica ?

Luis Castro Benfica

Les mauvais résultats s’enchainent pour l’équipe B du Benfica, qui lutte pour le maintien cette saison. Ces difficultés posent la question du projet de formation du club encarnado.

Après s’être rassuré face à Trofense, le Benfica B a été défait par le CD Nacional, l’un de ses concurrents dans la course au maintien. Une course au maintien qui dure depuis plusieurs mois maintenant puisque l’équipe réserve du Benfica est en proie à de grosses difficultés cette saison. Depuis le 12 novembre, l’équipe n’a connu que 3 victoires, et de lourdes défaites à plusieurs reprises, comme face à Feirense (3-6), Farense (5-2) et Moreirense (7-4). Jusque-là, le début de saison correct de l’équipe la sauve d’un point de vue comptable, mais la course au maintien s’intensifie et chaque point compte. La question se pose alors de savoir quelle est l’importance du Benfica B. Il n’est pas donné à tous les clubs européens de posséder une équipe réserve professionnelle évoluant au deuxième niveau national, et le Benfica pourrait bien perdre ce privilège.

Pourquoi une équipe réserve en deuxième division ?

En France, il n’est pas possible pour une équipe réserve d’évoluer à un niveau supérieur à la Nationale 2. A l’inverse du Portugal où les équipes professionnelles sont autorisées à posséder une équipe réserve évoluant en deuxième division nationale. Une règle mise en pratique par Benfica et Porto qui ont tous deux une équipe B qui évolue en II Liga. C’est aussi le cas en Espagne où le Villareal B évolue en LaLiga2, en Belgique aussi, avec les équipes réserves de Genk et d’Anderlecht, ou encore aux Pays-Bas où le Jong Ajax, le Jong PSV, le Jong AZ et l’Utrecht II évoluent en Eerste Divisie.

Ce qui saute aux yeux avec ces pays, c’est qu’ils sont tous très réputés pour la qualité de la formation des jeunes joueurs. Les équipes B évoluant à des niveaux aussi haut ont toutes pour but de permettre aux meilleurs jeunes des clubs de jouer à un niveau professionnel et compétitif, en vue d’intégrer l’équipe première. Matthijs de Ligt et Daley Blind sont ainsi passés par l’équipe réserve avant d’éclore avec l’Ajax, tout comme Lionel Messi au Barça. Et évidemment, le Benfica n’est pas sans restes.

La mort prématurée du Benfica B en 2006

Avant de pouvoir évoluer en II Liga, les équipes B portugaises étaient cantonnées aux échelons inférieurs. Créée en 1999, l’équipe B du Benfica a directement été utilisée comme un tremplin pour les joueurs de la formation. En témoigne Diogo Luis pour Maisfutebol en 2000, qui, alors âgé de 20 ans, louait la création de ces équipes et plaidait pour accéder à la II Liga, d’un niveau de compétitivité plus important. Face à l’inaction des instances sportives portugaises sur ce sujet, le Benfica a dissous son équipe B en 2006, comme plusieurs autres clubs au Portugal.

Ce n’est qu’en 2011 que des avancées sont faites par la Ligue, qui modifie le règlement pour les équipes réserves. Dès la saison 2012/2013, les équipes réserves peuvent jouer en II Liga, être reléguées, sans toutefois pouvoir monter dans l’élite. Mais à ce moment-là, au sein de la Liga Bwin, seul le Maritimo possède une équipe B. Face à cette possibilité, le Benfica, mais aussi Porto, Sporting et Braga, s’attèlent donc à reconstituer leur équipe B pour la saison 2012/2013. Ces équipes réserves débutent directement en II Liga avec un championnat qui passe de 16 à 22 équipes en une année seulement. Le projet de formation est totalement relancé au Portugal, et donc au Benfica.

Benfica B : un tremplin balbutiant

L’équipe B du Benfica réussit ses débuts en II Liga et finit sa première saison à la 7e place, démontrant que cette formation a bien le niveau pour jouer à cet échelon. Dès cette première saison, de jeunes joueurs commencent à se faire remarquer, à l’image d’Ivan Cavaleiro, alors âgé de 19 ans. La saison suivante, de nouveaux joueurs talentueux débutent dans cette équipe parmi lesquels Bruno Varela, Victor Lindelof, João Cancelo, Fabio Cardoso, Nelson Semedo, Bernardo Silva, André Gomes, Helder Costa ou encore Gonçalo Guedes tout juste âgé de 16 ans. L’idée est donc claire au Benfica, l’équipe réserve est un tremplin pour les meilleurs prospects du club.

Tous ces joueurs sont dorénavant des noms bien connus du football portugais. Pourtant, sur la durée, très peu ont réussi à intégrer l’équipe première en tant que titulaire. Des joueurs comme João Cancelo ou encore Bernardo Silva n’ont jamais vraiment évolué avec l’équipe principale des Encarnados. S’ils ont réussi à glaner quelques minutes sur la pelouse de l’Estadio da Luz, ces deux joueurs ont été vendus de manière prématurée, respectivement à Valence et à Monaco, pour une somme totale de 30 millions d’euros. A l’époque, Jorge Jesus est l’entraineur du Benfica, il fait peu confiance aux jeunes joueurs et ne leur donne presque aucun temps de jeu, ce qui pousse certains à tenter leur chance ailleurs. De l’autre côté, le club lisboète a besoin d’argent pour éponger ses dettes et accepte de se séparer de ses jeunes joueurs les plus talentueux.

L’affirmation de la formation lisboète

A cette époque-là, presque aucun joueur n’intègre véritablement l’équipe première. Mais tout change à l’été 2015 avec l’arrivée de Rui Vitoria sur le banc de la formation lisboète. Dès sa première saison à l’Estadio da Luz, le coach portugais fait appel à des jeunes joueurs et les intègre véritablement dans son effectif, en leur offrant un temps de jeu conséquent. Parmi ces jeunes joueurs de l’équipe B qui ont rejoint l’équipe première, on peut notamment citer Nelson Semedo, Victor Lindelof, Renato Sanches et Gonçalo Guedes. Des joueurs qui ont été des éléments importants dans la course au titre du Benfica, qui se voit être sacré champion du Portugal lors de cette saison 2015/2016.

A partir de cette saison, les joueurs les plus prometteurs, titulaires en équipe B, peuvent prétendre sérieusement à faire partie de l’effectif de l’équipe première. Mais ces jeunes joueurs ne restent pas très longtemps, à l’image de Renato Sanches qui, après avoir réalisé une fin de saison impressionnante tant en club qu’en sélection, rejoint le Bayern Munich contre 35 millions d’euros à seulement 18 ans. Six mois après, c’est Gonçalo Guedes qui signe au PSG pour 37 millions d’euros, puis à l’été 2017, Victor Lindelof et Nelson Semedo quittent aussi le Benfica pour une somme totale de 70 millions d’euros.

L’équipe B devient alors un véritable laboratoire pour le Benfica qui y fait éclore ses meilleures pousses, avant de les propulser en équipe première, sans parvenir à les garder face à des sommes toujours plus importantes. Plusieurs autres joueurs sont passés par l’équipe B avant de s’imposer en équipe première, puis d’être transférés pour un montant conséquent. Parmi eux on peut évoquer João Félix ou encore Ruben Dias qui, après avoir grandement aidé leur équipe à remporter des titres sous les ordres de Bruno Lage, ont permis au Benfica d’encaisser un montant total avoisinant les 200 millions d’euros.

Mais au-delà du Benfica, son équipe B sert aussi les équipes portugaises. Après être passé par la réserve du Benfica, Nuno Santos a par exemple fait le bonheur de Rio Ave avant de rejoindre le Sporting. Fabio Cardoso a été un joueur clé de Santa Clara avant de signer à Porto, et Guga s’est aujourd’hui imposé comme étant l’un des meilleurs milieux du championnat avec Rio Ave, comme dans une moindre mesure, Joao Teixeira à Chaves. Et beaucoup d’autres passés par le Benfica B continuent aujourd’hui leur carrière en Liga Bwin, ou même à l’étranger.

Des résultats qui comptent ?

La question de l’importance des résultats pour le Benfica B est à poser. Avec une montée en Liga Bwin qui lui est interdite et son rôle de dernière étape de la formation, les résultats de la réserve importent finalement peu. Depuis 2012, l’équipe B a presque toujours validé son maintien en II Liga sans trop de difficultés, finissant plusieurs fois entre la 4e et la 8e place, deux fois dans le ventre mou, et une fois à la limite de la relégation, lors de la saison 2015/2016. Et cette saison, le Benfica B se trouve pour la seconde fois dans ce dernier cas, à devoir lutter pour le maintien.

Même si les résultats au classement comptent peu pour le Benfica B, on imagine tout de même que de mauvais résultats tout au long de la saison puissent impacter le développement de ces joueurs. Pourtant, lors de la saison 2015/2016, durant laquelle le Benfica B s’est maintenu de peu, des joueurs tels que Ruben Dias et Renato Sanches faisaient partie de l’effectif et n’ont pas eu de difficulté à poursuivre leur route vers le plus haut niveau. Les résultats peuvent potentiellement impacter certains joueurs, mais le contraire est peut-être plus juste. Des joueurs très jeunes et peu expérimentés peuvent en effet expliquer des mauvais résultats. Les deux joueurs mentionnés précédemment étaient tout juste âgés de 18 ans durant cette saison compliquée. Ils étaient donc très jeunes et sans grande expérience, comme beaucoup d’autres dans cette équipe. La saison suivante, avec un effectif plus stable, le Benfica B obtient une belle 4e place en II Liga.

Cette saison, la réserve du Benfica fait justement face à une situation où les mauvais résultats s’enchainent, et la menace de relégation plane au-dessus de l’équipe. Luis Castro, entraineur de l’équipe U19 victorieuse en UEFA Youth League la saison passée, a été propulsé au poste d’entraineur de l’équipe B l’été dernier. Mais l’entraineur portugais, spécialiste de la formation lisboète, n’y arrive pas. Et pourtant, ce ne sont pas tellement les défaites qui lui sont reprochées, mais bien le manque d’idées, le jeu appauvri de son équipe et le fait qu’il ne prépare pas tactiquement ses joueurs à évoluer avec l’équipe première. Encore une fois, l’équipe B du Benfica représente la dernière étape de la formation du club et ce rôle déterminant ne semble pas être totalement rempli avec l’entraineur de 42 ans.

Pourtant, ce ne sont pas les talents qui manquent à Luis Castro. En effet, il compte certains des joueurs les plus prometteurs du club dans ses rangs, avec les jeunes Cher Ndour, Diego Moreira, Rafael Rodrigues ou encore André Gomes, tous vainqueurs de l’UEFA Youth League la saison passée. L’entraineur originaire du Nord du Portugal a même reçu les deux recrues hivernales du Benfica, Casper Tengstedt et Andreas Schjelderup afin de les intégrer et de les préparer physiquement, mais en vain : les deux joueurs ne jouent que très peu en équipe B, comme en équipe première, malgré de forts investissements financiers.

Le projet de formation du Benfica n’est pas menacé

Pour autant, les résultats de l’équipe B ne menacent pas tellement le projet de formation du club. La descente de l’équipe B serait un coup dur pour la formation et le club, et de toute évidence, compliquerait quelque peu le processus. Mais le voisin lisboète, le Sporting CP, a vu son équipe B être reléguée en 2017/2018 et parvient tout de même à garder son projet de formation, en sortant de grands talents comme Nuno Mendes ou Gonçalo Inacio. D’ailleurs, les derniers joueurs du centre de formation du Benfica à avoir intégré l’équipe première, à savoir Antonio Silva et João Neves, ne sont quasiment pas passés par l’équipe B du Benfica, et sont venus directement des échelons de jeunes.

Le défenseur central, qui a notamment participé à la dernière Coupe du Monde, a tout juste fait 4 matchs en équipe B avant de devenir un titulaire indiscutable en équipe première, tandis que le milieu de terrain João Neves n’était pas toujours titulaire en équipe B, avec qui il ne compte qu’une petite dizaine d’apparitions. Cela s’inscrit néanmoins dans une forme de rupture avec la précédente manière de faire du club, mettant fin à la règle plus ou moins tacite et immuable selon laquelle les jeunes joueurs avaient besoin d’une cinquantaine de matchs avant d’être prêts pour jouer avec l’équipe première. Une règle qu’évoquait notamment Renato Paiva, ancien entraineur de l’équipe B, au micro de Canal 11 en 2021.

L’équipe B peut avoir certains dysfonctionnements, mais les talents ne disparaissent pas du club du jour au lendemain. Roger Schmidt est un entraineur qui fait confiance à la formation et est capable d’aller chercher des joueurs directement sortis du centre de formation si l’équipe B ne remplit pas ce rôle. L’entraineur allemand s’occupe alors de préparer lui-même ces joueurs, ou simplement de faire confiance à des jeunes joueurs qui étaient déjà prêts pour le plus haut niveau.

La plus forte menace pour la formation du Benfica se trouve finalement sur le banc de l’équipe première. En 2020, le projet de formation était menacé par le retour de Jorge Jesus, remplaçant de Bruno Lage, un entraineur au profil bien différent. Auparavant à la tête de l’équipe B, Bruno Lage n’a pas hésité à promouvoir de nombreux joueurs de la réserve tels que Ferro, Florentino Luis et João Felix qui l’ont aidé à rattraper le retard sur Porto et ainsi à décrocher le titre de champion du Portugal en 2019. Le retour de Jorge Jesus a stoppé net les progressions des deux premiers, qui ont dû quitter le club en prêt, à l’image de Jota ou de Tiago Dantas, tous très prometteurs en équipe B mais sans réelles opportunités avec Jorge Jesus. L’entraineur de l’équipe première est donc le maillon final pour la réussite du projet de formation, en étant le décisionnaire quant au temps de jeu des produits du club.

Mais tout de même, le Benfica semble laisser son équipe B aller à la dérive d’une manière passive. En apparence, rien n’a été fait pour inverser la très mauvaise passe actuelle de la réserve. L’entraineur est toujours sur le banc, bien que son travail ne corresponde pas aux attentes du club, et certains joueurs sont toujours des éléments importants de l’effectif alors que leur contrat prendra fin à l’issue de la saison en cours. Dans ce contexte, une restructuration de l’équipe B semble plus que jamais inévitable, pour que le Benfica puisse continuer de s’affirmer comme l’un des meilleurs centres de formation de la planète.

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