Paulo Fonseca, l’apologie du jeu

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« Je ne conçois pas le Football sans qu’il ne soit bien joué » telle est la devise de l’entraîneur portugais Paulo Fonseca. Après trois glorieuses saisons en Ukraine, le natif de Mampula au Mozambique rejoint l’Italie et l’AS Roma, pour imposer son style, sa vision, sa philosophie. Retour sur la carrière et les convictions du passionnant Paulo Fonseca.

Sa carrière

12 ans après le début d’une carrière dans le monde professionnel qui a débuté au 1° de Dezembro au fin fond de la 3e division portugaise, Paulo Fonseca est considéré aujourd’hui comme l’entraineur portugais ayant les idées de jeu les plus convaincantes. Pour lui, bien jouer n’est pas une option mais une obligation ! Un processus où certains principes fondamentaux comme avoir le contrôle du ballon ou être constamment à l’initiative dans le match sont immuables. Un processus amenant au résultat. Partout où il est passé, sauf à Porto, les objectifs ont été atteints. Preuve d’une croyance profonde dans sa vision du Football.

Son seul échec reste donc à ce jour au FC Porto lors de la saison 2013/2014. Lui qui sortait de deux saisons sur le podium : avec le Desportivo das Aves en deuxième division (2011/2012) et surtout avec Paços Ferreira (2012/2013) en première division où il finira devant le Sporting et Braga ce qui reste à ce jour l’un des plus grands exploits de l’histoire du championnat portugais. Mais sur les bords du Douro, l’histoire tourne vite au cauchemar malgré une victoire en 2013 en Supercoupe du Portugal. Il n’arrive pas à convaincre un effectif triple champion en titre. Un échec immense pour un homme qui n’avait pas envisagé autre chose que la réussite chez les dragons, mais une étape primordiale pour se remettre en question.

Paulo Fonseca

Il revient à Paços Ferreira alors que le club sortait d’un barrage pour ne pas descendre, puis réalise une saison fantastique au Sporting Clube de Braga, ramenant un titre (la Coupe du Portugal 2016) et les émotions des joutes européennes (éliminé en ¼ de finale de l’Europa League par le Shakhtar Donetsk). Paulo Fonseca se relève de fort belle manière et son bourreau européen, le Shakhtar, lui ouvre ainsi ses portes à l’été 2016.

Lui qui n’a jamais vu la ville de Donetsk en 3 ans en Ukraine à cause de la guerre dans le Donbass, qui a dû s’entrainer à Kiev et jouer à Lviv puis Kharkov, ne s’est pas gêné pour tout de même réussir malgré des conditions dantesques. Après deux ans de domination du Dynamo Kiev, il remporte 3 titres de champions et 3 coupes nationales en 3 ans mais c’est surtout l’aventure européenne lors de l’édition 2017/2018 de la Ligue des Champions et la qualité de jeu encore plus élevée à la vue des individualités très fortes qu’il avait à sa disposition qui impressionnent. Il est éliminé … par la Roma et un Alisson stratosphérique en huitièmes de finale (victoire 2-1 à l’aller, défaite 1-0 au retour) mais peut se targuer d’avoir battu le Napoli de Maurizio Sarri et le Manchester City de Pep Guardiola en phase de poule.

« J’entrainerai de nouveau une grande équipe » disait-t-il en 2016. 3 ans après, les portes de l’AS Roma s’ouvrent pour se confronter enfin à un grand championnat européen.

Un tacticien hors pair pour des idées de jeu ambitieuses

« Notre match est beaucoup plus important que celui de notre adversaire. » Paulo Fonseca

Dire de lui qu’il est le Pep Guardiola portugais n’est pas une comparaison fastidieuse. Tous les deux ont des principes fondamentaux indéboulonnables : de nombreuses phases de constructions, un pressing intense à la perte du ballon, un jeu de passes courtes et précis même sous pression … le match de son équipe est pour lui bien plus important. Mais même s’il cherchera toujours à avoir plus le ballon, à avoir le contrôle du match, à imposer son Football à l’adversaire, à ressortir de derrière selon des transmissions courtes et longues bien identifiées, Paulo Fonseca cherchera surtout à créer une équipe compétente à tous les moments du match, que ça soit en phase de construction, en organisation défensive, en transition offensive et en transition défensive.

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« Tout le monde doit être protagoniste, personne ne doit se cacher du ballon, nous devons profiter de tous les moments pour nous valoriser et montrer que nous sommes bons dans ce que nous faisons. Nous devons avoir onze joueurs qui ont le courage d’assumer le jeu. » Paulo Fonseca

Tactiquement, comme Fonseca le dit, personne ne doit et ne peut se cacher du ballon. Tout le monde doit être protagoniste du match. La progression folle du gardien historique du Shakhtar Andriy Pyatov dans son jeu au pied pour atteindre les exigences de Paulo Fonseca au niveau du jeu en est le symbole. L’idée de jeu du natif de Nampula au Mozambique ne doit pas être mémorisée mais bien incorporée, et pour cela, du gardien à l’avant-centre, tout le monde doit répondre à ses attentes élevées au niveau tactico-technique.

Des rôles bien définis

Au milieu de terrain, depuis son deuxième passage à Paços Ferreira entre 2014 et 2015, Paulo Fonseca n’a pas dérogé à son double pivot. Entre le duo Luiz Carlos/Vukcevic à Braga et le duo Fred/Stepanenko durant ses deux premières saisons au Shakhtar, la complémentarité au milieu de ces 2 joueurs est absolument primordiale.

Ils nécessitent :

  • Une rigueur tactique dans le 4x4x2 en phase défensive qu’il a mis en place à Paços, à Braga et au Shakhtar
  • Beaucoup d’intensité à la perte du ballon pour initier le contre pressing.
  • Une capacité à proposer des solutions et du soutien dans toutes les phases de jeu offensives.

Sur l’aspect offensif de son jeu, les milieux offensifs sont primordiaux. Rafa, Pedro Santos ou Josué lors de son passage à Braga en passant par les Marlos, Bernard et son capitaine Taison au Shakhtar, ce type de milieu créatif est l’âme de son équipe : entre qualité technique au-dessus de la moyenne, compétence pour jouer entre les lignes en phase de construction et intelligence de placement et de prises de décisions lors des transitions offensives, ces milieux offensifs cherchent aussi à attirer l’adversaire dans l’axe pour libérer l’espace sur la largeur, zone des latéraux extrêmement actifs pour apporter de nombreux dédoublements et des centres dans la surface.

Concernant l’avant-centre, le profil d’un Dzeko est très intéressant pour Paulo Fonseca. Lui qui avec Junior Moraes et Facundo Ferreyra au Shakhtar, a cherché à avoir un attaquant de pointe qui s’occupe des défenseurs centraux, capable de jouer en soutien des milieux offensifs, de participer au jeu et d’être très bon à la réception de tous types de centres. Le bosnien, s’il reste, correspondrait donc parfaitement aux idées du technicien portugais.

Une excellente capacité d’adaptation

Bien que pour lui, la prestation de son équipe est plus importante, il ne néglige en aucun cas son adversaire. Quitte à parfois adapter son système et les dynamiques de son jeu s’il pense que c’est la seule façon de gagner la rencontre sans pour autant déroger à ses principes fondamentaux. Par exemple cette saison face à Hoffenheim, il concocte un 5-4-1 au lieu de son habituel 4-2-3-1 avec 3 pures défenseurs centraux pour maîtriser la largeur défensivement et la position très haute des latéraux allemands Schulz et Kaderabek dans ce match. Cela n’a en aucun cas inhibé la créativité et les déplacements entre les lignes de Kovalenko et surtout du buteur final Taison dans ce match. (Victoire 3-2 en Allemagne)

Une volonté de faire progresser ses joueurs

Ainsi, par cette quête du jeu et de la compétence de son équipe à chaque moment du match, la progression individuelle de ses joueurs est presque naturelle. A Paços Ferreira, c’est lui qui révèle Jean Michaël Seri, bien connu des pelouses de Ligue 1. A Braga, beaucoup sont ceux qui ont passé un palier sous ses ordres : Willy Boly, Nikola Vukcevic, Pedro Santos et bien sûr Rafa Silva aujourd’hui à Benfica. A titre d’exemple, ces 4 -là ont rapporté environ 35 millions € aux caisses du club rouge et blanc. Au Shakhtar, c’est Paulo Fonseca qui exploite tout le potentiel de Bernard, fait de Taison et Ismaily des joueurs de top niveau ainsi que Fred qui l’été dernier, rapporte 50 millions € avec son transfert à Manchester United, lui aussi en constante progression après deux saisons sous les ordres de l’entraîneur portugais. Dans un reportage sur son épopée ukrainienne paru le mois dernier par le média « 11 » de la Fédération Portugaise de Football, son joueur Marlos indique que « depuis qu’il est arrivé, sa seule préoccupation a été d’essayer de tirer ce qui a de meilleur dans mon style de jeu » au sujet de Fonseca.

Un entraîneur complet

Voici donc un petit résumé de ce que l’entraîneur portugais a montré ces dernières saisons au niveau du jeu, où il a constamment remporté des titres et atteint les objectifs fixés par ses dirigeants. Le processus et le jeu au service du résultat. Ce qui fait de lui un entraîneur parfaitement complet : maître tacticien, capable de faire progresser individuellement et collectivement dans le but d’obtenir le résultat pour justifier et donner le crédit nécessaire et mérité à ses idées de jeu bien ancrées avec toujours le soutien de ses joueurs dont il est très proche. On a hâte de le voir se confronter aux tacticiens du pays d’Arrigo Sacchi, pour en découdre avec Antonio Conte, Carlo Ancelotti ou encore Gian Piero Gasperini.

Matthieu Monteiro