FC Porto – Conceição et l’apologie de l’annihilation aux dépens de la création

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SL Benfica – FC Porto ( Estadio da Luz, Lisboa, 24 août 2019 )

Suite à sa victoire au Estadio da Luz, avec la manière, il était légitime de penser que l’on aurait pu assister aux prémices d’un renouveau tactico-technique propulsant le FCP vers d’autres sphères plus à même de répondre aux exigences de ceux que certains appellent plus communément les « antis » ou « romantiques » ou encore « lyriques ».

Afin d’illustrer cela, il convient de re-contextualiser. En ce sens il est pertinent de revenir sur le Classico du 24 août dernier et sur la prestation des hommes de Conceição face à ceux du tant apprécié, Bruno Lage.

Tactiquement, on peut distinguer deux facteurs clés ayants contribué majoritairement à la surprenante suprématie du FCP, notamment en première mi-temps.

Le premier se caractérise par le pressing haut mis en place par les hommes de Sergio Conceição, mis en exergue par la fabuleuse prestation d’Uribe dans le coeur du jeu. Un pressing intelligent, très bien réalisé où l’ensemble des acteurs savaient dans quelle zone et quand il convenait de l’appliquer. À la perte du ballon et, plus particulièrement, lorsque le SLB initiait son processus de construction depuis sa ligne défensive, impulsé par Ferro, Ruben Dias ou encore Florentino, s’appliquait le pressing caractérisé par une défense dans le camp adverse avec, bien souvent, pas moins de 7 joueurs positionnés dans la moitié de terrain du SLB.

Dès lors, il y a une claire volonté d’asphyxier l’adversaire et d’empêcher l’exploration des circuits préférentiels de passe. Le corollaire de cela c’est la volonté d’annuler les premières relances adverses et le match de Florentino en est la parfaite illustration (notamment en 1ère MT où la suprématie du FCP s’est avérée être plus conséquente qu’en 2nde). La manière dont les joueurs de Porto se positionnait sur le terrain a limité les espaces et a, in fine, empêché l’émergence de lignes de passe. Cela a conduit Florentino a, bien souvent, abuser de passes latérales, en retrait ou de passes cherchant à sauter des lignes de pression contribuant ainsi à la perte d’équilibre et de contrôle inhérente à la dynamique benfiquista habituellement. Ces conditions permettent de récupérer plus facilement le ballon, en un minimum de temps (règle des 5-7secondes), et permet d’attaquer de manière organisée suite à la récupération, entraînant généralement des situations de un contre un dont semble raffoler Luis Diaz.

Il est nécessaire, également, de souligner le contrôle de la profondeur de la ligne de 4 derrière et le fait que Pizzi, homme providentiel du SLB, serait, à l’heure actuelle toujours dans la poche de Telles.

Le second s’illustre, quant à lui, par l’omniprésence de Romario Baro dans le coeur du jeu permettant l’émergence d’une supériorité numérique dans ce secteur du jeu (ô combien important) qui n’a pas su être gérée par la paire Tino – Samaris. La liberté positionnelle dont a jouit Baro a, en effet, complètement déstabilisé le milieu de terrain benfiquista dans la mesure où son placement entre les lignes lui offrait énormément d’espace à explorer dans la transition.

En découle une organisation à 3 dans le cœur du jeu face aux deux pivots du SLB où Uribe ou Danilo, par une simple passe entre les lignes, permet à Baro (ou autre, ayant attaqué l’espace) de se retrouver face au jeu. Comme l’a dit si bien un certain Pep Guardiola « Le football est une question d’espace et ils apparaissent en fonction de comment tu te déplaces et comment tu réagis à la perte du ballon. » Le travail lié à l’exploration de l’espace, de la zone a été essentiel.

En somme, on a assisté à l’annihilation, dans sa représentation la plus exhaustive, de la dynamique et des circuits préférentiels du SLB. Par extension, cela a aboutit au match le plus maîtrisé, à mon sens, face à l’un des 3 grands, depuis l’arrivée de S. Conceição. Il faut d’ailleurs, d’autant plus en faire l’éloge puisque cette prestation fait suite à un début de saison anxiogène marqué notamment par l’humiliation subit au Dragao face aux russes de Krasnodar.

Néanmoins, une semaine plus tard, le constat est différent et le contraste saisissant.

FC Porto – Vitoria de Guimaraes (Estádio do Dragão, Porto, 1er septembre 2019)

Le F.C. Porto fait son retour à la maison, galvanisé par sa victoire en terrain ennemi laissant envisager un changement de paradigme et suscitant un certain enthousiasme.

Résultat ? Il s’avère qu’il n’en est rien. Je m’explique. De nouveau, re-contextualisons et, dès lors, faisons l’analogie de ces deux rencontres. Sergio Conceiçao s’apprête à affronter Ivo Vieira (ce même Ivo qui lui avait accordé une danse, une valse tactique plus précisément, la saison passée à Moreira de Cónegos). Dès lors, on s’attend à un Vitoria opérant en bloc médian capable de rétro-pédaler, sûr de ses forces et prêt à explorer les transitions offensives de la meilleure des manières impulsé par son trident Rochinha – Davidson – Evangelista.

Côté Porto, le XI de Lisbonne est reconduit. Le doute subsiste alors quant à la capacité de prendre le jeu à son compte, d’assumer pleinement la création à travers des attaques placées et pensées.

40’ secondes, Tapsoba, au duel avec Moussa Marega (Deus me livre) qui avait profité d’une passe en retrait imprécise pour s’élancer en direction du but adverse, commet une « faute » (Même pas sûr de cela) sur une action qui ne semblait pas être une occasion flagrante et où il n’est même pas le dernier défenseur. Bref, cela lui vaut un carton rouge exhibé par M. Xistra (Quelle prestation pitoyable. Qu’on se le dise).

À partir de là, on se dit que le match est plié, qu’il va s’agir d’une rencontre à sens unique. Eh bien non ! Bien au contraire. Incapacité totale du FCP à assumer la création du jeu, même à 11 contre 10. Aucune ligne de passe entre le double pivot Danilo – Uribe et Marega – Zé Luis devant. Le coeur du jeu est apathique, un véritable no man’s land.

Ajoutons à cela, les problèmes récurrents en attaque placée : impossibilité d’explorer l’espace entre les lignes, circulation en U exagérée, la sortie à 3 de derrière (lorsque l’un des 2 milieux vient s’intercaler entre les centraux afin de contourner la première ligne de pressions adverse et arriver plus facilement dans le camp adverse) ne sert qu’à explorer la largeur et jamais le coeur du jeu du fait de lignes trop espacées… Des problèmes n’étant pas créés par l’adversaire et permis seulement par le fait d’une incapacité à les corriger.

Le résultat ? 3-0 pour Porto. Voilà pourquoi il est essentiel de dissocier le contenu du résultat pour éviter tout amalgame. Une fois de plus Porto peut encore remercier Marchesin qui, logiquement, aurait dû passer un match tranquille compte tenu du contexte.

Elle est tout de même assez incroyable cette propension qu’a Conceição à annihiler le projet de jeu d’adversaire d’un niveau plus ou moins équivalent et le fait d’être incapable d’assumer l’essence même de ce sport représentée par le jeu et la créativité lorsque l’occasion s’y prête.

En définitive, comme on le dit souvent, les mêmes causes produisent les mêmes effets et ça me dérangera toujours autant que l’on appauvrisse le jeu de la sorte. Romantique, disent-ils…

Saudação Portista.

Rémy Martins