Dans cet édito, Remy Martins explique pourquoi le prodige Anglo-Portugais de Boavista (prêté par le LOSC), Angel Gomes, est le genre de joueur pour lequel on allume volontiers nos télévisions.
Angel Gomes (20 ans – génération 2000), est un nom qui doit être déjà bien ancré dans tous les esprits des adeptes réguliers de Liga NOS. En effet, l’ex mancunien, et cousin de Nani, actuellement prêté par le LOSC n’a cessé de confirmer tout l’enthousiasme que sa venue avait pu susciter en août dernier. Au delà de statistiques plus que satisfaisantes (4 buts et 3 passes décisives sur 17 apparitions en Liga NOS) c’est surtout à travers son protagonisme dans le jeu que ce dernier s’est distingué et est assez rapidement devenu une condition sine qua non quant à la qualité de l’expression collective du Boavista.
En ces temps si particuliers où l’on peut assister aux échéances du football européen quasi quotidiennement et où, ce qui était momentané autrefois fait maintenant partie intégrante d’une routine qui s’installe, il convient, à mon sens, de mettre en lumière ceux qui, malgré tout, parviennent à éveiller nos sens et à maintenir tout l’intérêt que l’on accorde à ce que ce sport a de plus pur. À savoir, le jeu.
Un talent indéniable
Août 2020 coïncide avec l’arrivée d’Angel Gomes au Boavista. Depuis, si je fais l’analogie avec l’ensemble des acteurs que je peux suivre de manière récurrente à l’échelle nationale, peu de joueurs m’ont autant captivé et ont suscité mon enthousiasme de la sorte. Il est de ceux qui démontre une relation privilégiée avec le ballon et qui nous invitent à regarder des matchs pour lesquels on ne portait guère d’intérêt auparavant.
Protagoniste, souverain, et doté d’une intelligence peu commune à l’égard du jeu : le talent est là. C’est indéniable mais, au delà de ce constat il y a l’intellect qui bonifie ce dernier. Inexorablement, lorsque je suis confronté à ces caractéristiques, je ne peux m’empêcher de penser aux mots de Paco Seirul Lo à ce sujet « Jouer ne suffit pas, il est nécessaire de comprendre le jeu. La compréhension est moins répandue que l’intuition et le talent. »
Angel Gomes est la personnification de cette déclaration. Il allie à la perfection réflexion et instinct. À l’instar des très bons playmakers, il lit le jeu et les nécessités / opportunités qui en découlent avec une pertinence déconcertante. Dans le dernier tiers, son influence et l’incidence qu’ont ses décisions sont on ne peut plus criantes.
Il prône l’initiative et la créativité, non seulement, à travers une proactivité dans le jeu sans ballon mais aussi et surtout, avec ballon.
Sans ballon, cela se matérialise par une prépondérance dans sa manière de se positionner entre les lignes (position dans l’espace) qui coïncide avec l’émergence de situations de supériorité numérique, de dynamique de 3ème homme et/ou de une-deux permettant l’imprévisibilité nécessaire à la déstabilisation de l’organisation défensive adverse.
Également, sa capacité d’anticipation (vitesse mentale) à travers une prise d’informations constante (le fameux gauche-droite de la tête bien levée) afin de se créer les conditions les plus propices quant à l’impact qu’il souhaite offrir, une fois sollicité.
Aussi, il fait preuve d’une grande mobilité et flexibilité et n’hésite pas à descendre près de ses centraux lors de la 1ère phase de construction, leur offrant une solution frontale et assumant un rôle favorable au développement graduel du jeu, si nécessaire.
Enfin, il dénote une capacité à adapter sa position corporelle à la réception du ballon afin d’être prédisposé à s’offrir des conditions favorables à la pérennisation de l’action.
Avec ballon, on observe une indéniable aisance dans les petits espaces. Il agit, sur le rectangle vert, comme un facilitateur. Tout cela s’exhibe à travers une qualité technique et une compréhension du jeu peu commune qui lui permettent de sublimer une palette extrêmement variée essentielle à sa prise de décision : jeu court, jeu long, capacité à annihiler une ligne de pression adverse à travers une simple passe, prise de risque…
De fait, Il offre une plus value indéniable vis à vis de la progression offensive, plus particulièrement dans le dernier tiers où il est surement l’un des tout meilleurs dans sa prise de décision mais également, parfois, en phase de construction lorsqu’il s’agit de « déplacer » l’adversaire afin de libérer des espaces entre les joueurs ou entre les lignes. Évidemment, on ne peut se référer à lui sans s’attarder sur une autre de ses caractéristiques, que l’on ne peut dissocier du « créatif » : l’imprévisibilité.
Par ailleurs, il démontre une vélocité dans sa prise de décision (réflexion / éxécution) qu’il détermine en fonction des différents moments du jeu (exemple : en phase de construction, celle-ci sera modérée tandis que dans une phase de création ou de conclusion celle-ci se doit d’être beaucoup plus prononcée).
Dans la mesure où, du fait de son rôle sur le terrain, il fait partie de ceux qui ne bénéficient que de très peu de temps pour décider, il est alors d’autant plus nécessaire de souligner sa justesse, notamment à l’heure d’effectuer l’avant dernière ou la dernière passe permettant la conclusion d’une action. Sûrement l’un des meilleurs du championnat portugais à cet égard, si ce n’est le meilleur.
Dans la mesure où ce descriptif n’est composé que de mots, quoi de mieux que des séquences vidéos pour l’illustrer ?
S’il se contentait de distribuer des caviars… mais Angel Gomes, se distingue aussi par ces moments de classe et d’irrévérence :
L’immensité de combinaisons qu’offrent le football lorsqu’on a le ballon est inéquivoque et c’est dans ce contexte où courir, seulement, ne suffit pas, que se distinguent les joueurs comme Angel Gomes. « Courir est une décision de la volonté tandis que créer nécessite d’avoir, de manière indispensable, recours au talent », M. Bielsa.
Dans un football toujours plus calculateur et analysé sous le prisme des chiffres, Angel Gomes nous rappelle qu’il convient de ne pas dénaturer les créateurs en les aseptisant par le biais d’une méthodologie uniformisée ne prenant pas en compte leur singularité. Cette sensibilité qui leur est propre permet de les distinguer et l’esthète méritera toujours l’éloge.
Pour conclure il suffira simplement de remercier Angel Gomes, qui est de ceux qui participent à l’embellissement du jeu et qui maintiennent ce lien indéfectible qui les relie aux amoureux de la quintessence même de ce sport qu’est le football.
Crédit photo : IconSport