Souvent appelé BSAD, parfois nommé Belenenses SAD, l’actuel 10e de Liga NOS est, depuis plusieurs années, au cœur d’une affaire juridique sans précédent. Explications.
Le 28 janvier dernier, alors qu’il s’apprêtait à se déplacer à l’Estadio da Luz pour affronter Benfica en quarts de finale de la Coupe du Portugal, le club de Belém a vu son nom écrit de trois manières différentes dans la presse portugaise. Original, n’est-ce pas ? Si O Jogo avait opté pour “Belenenses”, Record avait nommé le club “Belenenses SAD” tandis qu’A Bola s’était contenté de “BSAD”. Alors, d’où vient cette confusion ? Comment doit-on appeler ce club et surtout, quels erreurs faut-il éviter lorsqu’on évoque cette équipe à l’historique si singulier ?
Une scission historique en 2018
Reprenons depuis le début. Depuis 2013, le gouvernement portugais a imposé la création d’une société à tous les clubs souhaitant participer aux compétitions professionnelles du pays. Ces clubs qui, pour certains, n’étaient alors que des associations à but non-lucratifs, ont ainsi eu le choix de créer une SAD (Sociedade Anonima Desportiva), qui favorise notamment la présence d’investisseurs externes, ou une SDUQ (Sociedade Unipessoal por Quotas), qui assure davantage de contrôle de la part du club sur la société, comme l’explique cet article de Sapo.pt.
Et si le CF Os Belenenses, membre fondateur du championnat portugais, qui fait notamment partie des cinq clubs à avoir déjà remporté la première division, avait pris de l’avance en créant sa SAD en 1999, 51% des actions de celles-ci ont été vendus en 2012 à l’entreprise privée, Codecity, présidée par un certain Rui Pedro Soares. Mais suite à une violation contractuelle de la part du club, reconnue par le Tribunal Arbitrale du Sport en 2017, la SAD a décidé de résilier unilatéralement le pacte qui le liait au club, et qui stipulait que celui-ci avait un certain pouvoir sur ses décisions.
Deux clubs bien distincts
Ainsi, le contrat qui liait les deux entités a été rendu caduc en 2018, ce qui signifie également que plusieurs éléments historiques du club, comme le mythique stade do Restelo ou la Cruz de Cristo, qui apparaît sur son logo, devaient automatiquement se détacher de la SAD. La structure a ainsi connu une scission historique. D’un côté la SAD, qui, depuis le début de la saison 2018/19, évolue dans l’élite du football portugais sous un nouveau nom, avec un nouveau logo et loin de son stade habituel et de l’autre, le CF Os Belenenses, qui a conservé son logo, son stade et son hymne, mais qui s’est vu basculer en sixième division après cet épisode inédit. Un temps partagés, bon nombre de supporters ont décidé de fuir la SAD, pour soutenir leur équipe qui joue désormais au niveau amateur.
Belenenses SAD ou BSAD ?
S’en suit alors cette confusion évoquée précédemment pour définir le nom de ce club qui évolue en première division, et qui est désormais présidé par le CEO de Codecity. Une confusion créée, en partie, par les instances du football portugais. En effet, lorsque la Fédération Portugaise de Football nomme ce club le “BSAD” depuis quelques mois, la Ligue, elle, opte pour le “Belenenses SAD”.
Et qu’en pense le principal concerné ? Désireux de s’installer dans la continuité du club historique créé il y a plus de 100 ans, et ce malgré les événements de 2018, la SAD se bat corps et âmes pour intégrer officiellement “Belenenses” à son nom et rejeter l’image de “club sans identité” qu’elle dégage ces dernières années auprès de nombreux observateurs du football portugais. “Nous sommes absolument en phase avec notre histoire et notre projet. Notre club est le huitième à avoir le plus de participations en Liga NOS et celui qui a le record du nombre de points en deuxième division, nous a expliqué le responsable de la communication de la SAD que nous avons récemment contacté. Nous n’avons aucun doute sur notre identité”, a-t-il conclu.
De l’autre côté, le CF Os Belenenses et ses socios les plus fidèles, qui suivent le club dans les divisions inférieures, dénoncent une volonté de la SAD de “voler une histoire qui ne leur appartient pas”. “Le BSAD ne représente en rien notre emblème, nos valeurs, notre manière d’être dans la vie et dans le sport, ni les 101 ans de notre histoire. Cette équipe là, ce n’est pas Belenenses, on n’achète pas une histoire de 101 ans”, avait précisé le club amateur au cours d’un communiqué publié il y a deux semaines.
A la justice de trancher
Une opposition qui se dispute, depuis de nombreux mois, devant la justice. Chacun avec ses arguments et ses soutiens respectifs. Si la SAD possède une certaine influence, de par sa présence en Liga NOS et les relations de son président Rui Pedro Soares, le CF Os Belenenses compte, quant à lui, sur un soutien populaire.
Pour l’heure, les tribunaux semblent davantage se ranger du côté de la SAD qui a annoncé, ce dimanche, que le Tribunal de la Propriété Intellectuelle l’avait officiellement autorisé à utiliser le nom “Belenenses”, ainsi que les symboles du club et son hymne. “La SAD a gagné, Belenenses SAD est notre nom et cela n’a jamais fait aucun doute, a déclaré Rui Pedro Soares. C’était la décision que nous espérions. C’est un grand jour, une grande victoire, qui vient clarifier beaucoup de choses dites par le passé. C’est nous qui disions la vérité depuis tout ce temps.” Le chef d’entreprise a ensuite ajouté : “Nous avons été accusés à tort d’avoir usurpé le nom de Belenenses. Désormais, celui qui nous appelle BSAD se trompe et fait de la diffamation.”
Le CF Os Belenenses résiste
Une affaire qui demeure, cependant, loin d’être conclue. Face à cette décision du Tribunal de la Propriété Intellectuelle, le président du CF Os Belenenses, Patrick Morais de Carvalho, a déclaré qu’il comptait faire appel. Un recours auprès de la Cours d’Appel de Lisbonne, qui aura, à priori, un effet suspensif. Le club a, en effet, précisé que “jusqu’à ce que les tribunaux supérieurs prennent une décision définitive sur cette question, le BSAD ne dispose d’aucun droit sur les marques, les symboles et l’hymne du club.”
De quoi alimenter encore un peu plus cette confusion concernant le nom de l’actuel dixième de Liga NOS, dont la légitimité continuera forcément à faire débat, même après la fin de cette affaire rocambolesque.
Crédit photo : IconSport
Alexandre Ribeiro a lancé le site Trivela.fr en 2019 et le dirige aujourd’hui aux côtés de ses collaborateurs. Passionné par le football portugais dans son ensemble, et notamment par l’équipe nationale portugaise, c’est avec toute son énergie et son implication qu’il fait vivre ce média de façon quotidienne.