Soutenu par quelques-uns, décrié par beaucoup d’autres, Eder est devenu, à l’aide d’un seul but, l’une des figures marquantes de l’histoire du football portugais.
Chaque Euro comporte son lot d’histoires et chaque histoire possède ses héros. Éderzito António Macedo Lopes, mieux connu sous le nom d’Eder, était destiné à tout, sauf à devenir celui de son pays. Enfin, de celui qui l’a accueilli. Né à Bissau, en Guinée-Bissau, Eder a débarqué au Portugal à l’âge de 3 ans, dans les bagages d’une famille bien trop pauvre pour lui permettre de vivre une enfance des plus classiques. C’est dans l’univers difficile des foyers d’accueil portugais que le jeune Eder vit donc ses jeunes années. A ses 12 ans, le natif de Bissau découvre même les prisons d’Angleterre, où son père est incarcéré pour 16 années suite au meurtre de sa belle-mère. Violence et solitude sont les maitre-mots des premières années de vie de celui qui renversera le destin par la suite.
Débuts tardifs et parcours semé d’embûches
13 ans. C’est à cet âge relativement avancé qu’Eder découvre les joies d’un club de football. Celui de l’ADC Adémia, dans la ville de Coimbra, au Portugal. Loin d’être un surdoué dans la discipline, Eder parvient tout de même à gravir les échelons, et à intégrer la modeste équipe semi-professionnelle du GD Tourizense. C’est d’ailleurs là-bas, qu’il comprend que le football pourrait sortir sa famille, alors répartie aux quatre coins du monde, d’une misère qui durait depuis trop longtemps. « C’est au GD Tourizense que j’ai gagné mon premier gros salaire : à l’époque, c’était quelque chose comme 400 euros », avait-il déclaré, avant de préciser qu’il avait donné cet argent à sa mère pour qu’elle puisse s’acheter « des trucs essentiels ».
A cette époque, en 2007, personne ne pouvait imaginer une seule seconde qu’Eder puisse devenir l’icône du Portugal moins de dix ans plus tard. D’ailleurs, c’est seulement en s’engageant avec l’Academica de Coimbra en 2008 qu’il obtient officiellement la nationalité portugaise. A Coimbra, Eder découvre la D1 portugaise durant trois saisons, puis s’engage avec Braga en 2012, et connait même, dans la foulée, sa première sélection avec l’équipe nationale. Le début d’une histoire faite de haine, puis d’amour, durant laquelle, là encore, rien n’a été facile.
Le vilain petit canard
Dix-huit. C’est le nombre de matchs qu’a dû attendre Eder pour marquer son tout premier but en Seleção. Et si celui-ci, inscrit contre l’Italie en match amical, a permis au Portugal de l’emporter, il est, à priori, venu bien trop tard pour empêcher les nombreuses critiques des supporters portugais, toujours dans l’attente de ce fameux « 9 » qui viendrait prendre la relève de Nuno Gomes et de Pauleta. Eder se voit alors attribué le surnom de « Patinho feio », qu’on pourrait traduire par « Vilain petit canard » en français, et ne peut compter que sur quelques rares soutiens, comme ceux de son sélectionneur Fernando Santos et de l’ancien international portugais, João Pinto. « La réaction du public vis-à-vis d’Eder me dérange. Je pense qu’on doit respecter davantage les joueurs de l’équipe nationale, qu’on les aime ou non. Il représente notre pays, il faut le respecter. S’il est là, c’est que le sélectionneur a vu en lui des qualités », avait lancé l’ancien joueur de Benfica, dans les colonnes de France Football.
C’est dans ce contexte, et avec 1 seul petit but inscrit en 25 sélections qu’Eder est sélectionné pour l’Euro 2016, au grand désarroi d’une immense majorité de fans de la Seleção. Soucieux de compter avec au moins un « pur 9 » dans son groupe, Fernando Santos explique d’ailleurs la convocation de son attaquant par une volonté d’avoir un joueur de son profil. Une convocation qui a donc tout l’air d’un choix « par défaut ». Eder est là, faute de mieux.
Eder : de zéro à héros
Cependant, lorsque le Portugal se retrouve en finale de l’Euro face à la France, pays hôte de la compétition, Fernando Santos décide de faire confiance à son attaquant en lui donnant l’opportunité de terminer la rencontre à la pointe d’une attaque privée de Cristiano Ronaldo. 13 petites minutes, c’est ce qu’avait disputé Eder dans la compétition avant cette entrée en jeu à 0-0, qui allait finalement changer sa vie et celle de ses 22 compatriotes. Là encore, bon nombre de supporters portugais voyant la pépite Renato Sanches sortir pour le « Patinho feio », ont vivement critiqué ce choix à priori dénué de sens, tant la solidité française avait de quoi annihiler les tentatives du Portugais.
Et pourtant, en début de seconde période des prolongations, c’est bel et bien Eder qui débloque la situation et offre la victoire au Portugal d’une frappe croisée à ras de terre, quasi-imparable pour Hugo Lloris. Explosion de joie au Portugal : celui dont un peuple n’attendait rien, lui a finalement tout donné.
Tout est alors pardonné. En l’espace de quelques secondes, Eder venait de faire oublier toutes ses prestations décevantes du passé et imposer un point final à tous les débats sur la légitimité de sa place en Seleção. Quelques heures après le coup de sifflet final, officialisant le premier sacre de l’histoire du Portugal dans une compétition majeure, un site web a même été créé pour permettre aux supporters portugais d’envoyer un message d’excuse à Eder. Moins de 24h après sa mise en ligne, le site avait déjà recueilli près de 20 000 messages à destination de l’ex-Patinho feio, devenu le héros du peuple.
Un scenario inattendu, qu’un autre champion d’Europe, Ricardo Quaresma a d’ailleurs évoqué au micro de Canal 11, quelques années après l’exploit : « Je suis heureux pour Eder. Au-delà du fait qu’il soit un bon joueur et une personne fantastique, il mérite car à chaque fois qu’il entrait en jeu, c’était tout le pays qui lui tombait dessus. Aujourd’hui, tout le monde dit qu’il savait qu’Eder allait marquer. Tout le monde dit qu’il avait eu ce feeling au moment de son entrée en jeu. C’est un mensonge. La vérité, c’est que personne n’espérait voir Eder fouler cette pelouse ce soir-là. La seule vérité, c’est celle-là ».
Alexandre Ribeiro a lancé le site Trivela.fr en 2019 et le dirige aujourd’hui aux côtés de ses collaborateurs. Passionné par le football portugais dans son ensemble, et notamment par l’équipe nationale portugaise, c’est avec toute son énergie et son implication qu’il fait vivre ce média de façon quotidienne.
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