Souvent qualifié de « conservateur », Fernando Santos n’a pas manqué de surprendre son monde ces derniers mois en réalisant des choix forts au sein de son effectif. La clé d’un succès inédit ?
« Un problème avec Cristiano Ronaldo ? J’en ai déjà parlé, il n’y a aucun problème. Nous sommes amis depuis de nombreuses années. Les entraîneurs doivent prendre des décisions, c’est tout », a lancé Fernando Santos lors de sa dernière conférence de presse d’après-match. Alors que celle-ci a principalement tourné autour de l’absence-surprise de Cristiano Ronaldo du onze de départ portugais, elle a permis au sélectionneur de s’affirmer encore un peu plus comme le véritable patron de la Seleção. Souvent décrié pour son côté conservateur et ses difficultés à instaurer des changements, même quand cela semble pourtant s’imposer, Fernando Santos prend ses nombreux détracteurs à contre-pied depuis plusieurs mois, alors qu’il n’hésite plus à prendre des risques au moment de composer son onze de départ.
Diogo Costa titulaire, une folie fructueuse
Si la titularisation de Gonçalo Ramos en lieu et place de Cristiano Ronaldo pour un huitième de finale de Coupe du Monde apparaît comme son coup tactique le plus marquant des derniers mois, Fernando Santos n’en est pas à son coup d’essai. Le 24 mars dernier, alors que le Portugal sort tout juste d’une déconvenue aux éliminatoires pour la Coupe du Monde, le sélectionneur portugais a surpris les observateurs en décidant de changer de gardien pour débuter le Final Four des barrages. Exit Rui Patricio, homme fort de l’ère Santos et acteur majeur du titre de champion d’Europe remporté en 2016, place à la jeunesse de Diogo Costa, tout juste 22 ans à l’époque, qui disputait alors sa première saison en tant que titulaire dans les buts du FC Porto.
Avant cela, le natif de Rothrist, en Suisse, n’avait connu qu’une seule apparition en équipe nationale : cinq mois plus tôt, en match amical contre le Qatar. Aussi prometteur soit-il, introduire un nouveau gardien de but de 22 ans sur cette rencontre à très forte pression, qui aurait d’ailleurs pu sceller l’avenir de Fernando Santos à la tête de la sélection nationale, avait tout d’un coup de poker complètement déraisonné. Et pourtant. Sans trembler, Diogo Costa s’est parfaitement imposé comme une réelle force de la Seleção, au point d’en devenir rapidement l’un de ses titulaires. Six mois plus tard, il s’est révélé aux yeux de l’Europe par des prestations exceptionnelles avec son club, suscite désormais l’intérêt des plus grandes écuries européennes, et c’est bel et bien lui qui gardera une fois de plus les buts portugais ce samedi, en quart de finale de Coupe du Monde.
Le regret Nuno Mendes
Un peu plus haut sur le terrain, des doutes subsistaient concernant la concurrence entre Nuno Mendes et Raphaël Guerreiro pour le poste de latéral gauche. Fidèle soldat de Fernando Santos depuis l’arrivée de ce dernier à la tête de la Seleção en 2014, le natif du Blanc-Mesnil disposait à priori d’une expérience suffisante pour posséder une longueur d’avance sur son jeune concurrent. Mais là encore, le sélectionneur portugais a procédé de manière plutôt inhabituelle. Si c’est bel et bien le joueur du Borussia Dortmund qui a débuté la première rencontre de cette Coupe du Monde face au Ghana, en raison notamment de la myalgie que traînait son principal concurrent, cela n’a pas duré bien longtemps.
A peine revenu de la salle de soins, Nuno Mendes a retrouvé une place de titulaire contre l’Uruguay, ce qui a également surpris bon nombre d’observateurs. En effet, si beaucoup de supporters portugais espéraient voir le joueur du Paris Saint-Germain passer devant Raphaël Guerreiro durant la compétition, la titularisation d’un Nuno Mendes convalescent à la place d’un joueur à près de 60 sélections au plus haut niveau international avait également de quoi étonner de la part de Fernando Santos. Un choix qui pourra nourrir de nombreux regrets pour le Parisien. Alors qu’il aurait potentiellement bénéficié d’un statut de titulaire pour sa première Coupe du Monde, Nuno Mendes a dû quitter ses coéquipiers plus tôt que prévu, en raison d’une blessure musculaire à la cuisse.
Une concurrence saine à droite
De l’autre côté, nous assistons également à un changement radical de statut pour deux joueurs. En effet, alors que João Cancelo et son talent incontesté avait débuté les deux premières rencontres de la Coupe du Monde au poste de latéral droit, Fernando Santos n’a pas hésité à reléguer la star de Manchester City sur le banc lors des huitièmes de finale, pour faire une place de choix au jeune Diogo Dalot. Auteur d’un très bon début de saison avec Manchester United, le latéral droit formé au FC Porto s’est vu récompensé par plusieurs opportunités en équipe nationale. Et comme il les a toutes saisies, c’est tout naturellement que le natif de Braga est passé au premier plan lors du dernier match en date.
Auteur de deux buts et de trois passes décisives sur ses cinq dernières apparitions en sélection nationale, Diogo Dalot va très certainement poursuivre la compétition en tant que titulaire, aux dépends d’un joueur considéré à ce jour comme l’un des tous meilleurs du monde à son poste. Une fois de plus, Fernando Santos impose ses choix, et montre qu’il n’accorde que très peu d’importance au statut des uns et à l’expérience des autres pour tenter d’atteindre son objectif ultime.
Cristiano Ronaldo – Gonçalo Ramos, le coup parfait
Une faible importance accordée aux statuts, y compris lorsqu’il s’agit du capitaine. Si un seul joueur paraissait intouchable en début de compétition, en raison notamment de son historique avec l’équipe nationale, Fernando Santos a montré une fois de plus qu’il n’avait aucune difficulté à s’en passer. Après avoir publiquement évoqué son mécontentement vis-à-vis de l’attitude de son capitaine, le sélectionneur portugais a décidé de se priver du meilleur joueur de l’histoire du pays, Cristiano Ronaldo, pour un huitième de finale de Coupe du Monde. A la place ? L’Ingénieur a opté pour Gonçalo Ramos, qui ne comptait pas la moindre titularisation en équipe nationale jusque-là.
Du haut de ses 21 ans, l’attaquant du Benfica a inscrit un triplé historique, le premier de cette édition, et seulement le troisième réalisé par un joueur portugais en Coupe du Monde. Une fois de plus, Fernando Santos a accordé une confiance démesurée à un jeune joueur sans expérience, qui lui a parfaitement rendu celle-ci avec un match-référence, très important dans la course à la qualification pour le tour suivant.
La clé d’un groupe soudé ?
« Nous avons assisté à de nombreux matchs pour savoir quels joueurs devaient faire partie de cette sélection et ce sera toujours au mérite, pas à cause de l’agent A ou B, ou au club A ou B. Je n’ai jamais eu d’agent donc mes choix n’ont rien à voir avec ça, ça ne m’a jamais guidé », avait précisé Fernando Santos quelques minutes après avoir dévoilé sa liste pour la Coupe du Monde, le mois dernier. Et la notion de mérite prend tout son sens lorsqu’on analyse, quelques semaines plus tard, les choix réalisés par le sélectionneur portugais. Sans se soucier des statuts ou de l’expérience de ses joueurs, le sélectionneur portugais semble s’attarder davantage sur le niveau de performance et sur la complémentarité des différents acteurs pour composer son équipe. Une stratégie payante, déjà observée dans une moindre mesure durant l’Euro 2016, durant lequel le sélectionneur portugais s’appuyait cependant davantage sur l’aura de son capitaine, alors incontesté.
En reléguant des joueurs comme Cristiano Ronaldo, João Cancelo, Raphaël Guerreiro ou encore Rui Patricio pour propulser des éléments plus jeunes sur le devant de la scène, Fernando Santos envoie un message fort à l’ensemble de son groupe. Pour les quelques piliers de la Seleção, aucun relâchement n’est permis, sous peine de voir une place de titulaire disparaître dans un environnement particulièrement concurrentiel. Pour les plus jeunes et autres moins expérimentés, le message semble également particulièrement encourageant. Sur les 24 joueurs restants suite aux forfaits de Danilo Pereira et de Nuno Mendes, tous semblent susceptibles de terminer la compétition en tant que titulaire, ce qui a le don de transcender les joueurs moins utilisés lorsqu’ils ont l’opportunité de s’exprimer.
Et au-delà des bénéfices tirés par cette concurrence volontairement instaurée par Fernando Santos, ce dernier adopte une posture plus ancrée que jamais : celle du véritable leader de la Seleção. Longtemps attribué au capitaine Cristiano Ronaldo, ce statut est naturellement revenu au sélectionneur portugais de par ses choix forts et le succès qui en a découlé. Reste désormais à savoir jusqu’où cette stratégie mènera cet effectif, porté par un entraîneur souvent décrié, qui semble cependant tenir son groupe mieux que jamais.
Crédit photo : IconSport
Alexandre Ribeiro a lancé le site Trivela.fr en 2019 et le dirige aujourd’hui aux côtés de ses collaborateurs. Passionné par le football portugais dans son ensemble, et notamment par l’équipe nationale portugaise, c’est avec toute son énergie et son implication qu’il fait vivre ce média de façon quotidienne.
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