Josué, le “crack” de Porto devenu une icone loin de ses terres

“Josué, Josué, Josué”, voilà ce qu’ont pu entendre les quelques milliers de supporters présents au Stade Municipal de Legnica ce lundi soir. Une façon, pour les fans de l’équipe visiteuse, de saluer une énième prestation de grande classe de leur capitaine adoré. Arrivé au Legia Varsovie il y a un peu moins de deux ans, après une carrière passée à voyager entre le nord du Portugal, la Turquie et Israël, Josué est en train de s’affirmer comme une véritable icone dans la capitale polonaise. Focus sur le parcours atypique de ce talent brut, qui a dû s’éloigner de ses terres natales pour écrire sa légende.

Josué : une référence au Legia

C’est le brassard de capitaine du Legia serré autour de son bras gauche que Josué a débuté la saison. Si cela peut paraître surprenant pour un joueur étranger n’ayant effectué qu’une petite saison au club auparavant, pouvait-il vraiment en être autrement au vu des prestations individuelles de ce dernier ? Au terme d’une saison 2021/22 catastrophique pour le Legia sur le plan collectif, ce qui a d’ailleurs occasionné de violents assauts des supporters du club auprès des joueurs, Josué s’est révélé être la principale éclaircie dans les rangs polonais. Reconnu comme un meneur de jeu hors-pair, disposant d’un pied gauche exceptionnel, le Portugais a totalisé 18 passes décisives sur sa première saison en Pologne. Un record personnel.

C’est donc tout naturellement qu’au moment du départ du capitaine Mateusz Wieteska vers Clermont, Josué récupère ce précieux brassard. “C’est une grande responsabilité et une fierté d’être capitaine d’un tel club”, a-t-il déclaré dans les colonnes de MaisFutebol en novembre dernier. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que l’international portugais (4 sélections) se montre à la hauteur de son statut. Auteur d’un doublé lors du dernier match, Josué totalise 13 buts et 8 passes décisives en 29 rencontres disputées depuis le début de l’exercice. Des statistiques impressionnantes, qui le placent d’ailleurs sur le podium des meilleurs buteurs du championnat. Un fait remarquable pour un milieu de terrain offensif, pour qui marquer n’a jamais vraiment été une priorité.

Si le Legia a su sortir la tête de l’eau et affiche désormais une seconde place au classement, bien loin de la dixième position acquise la saison passée, c’est en partie grâce à lui. A 32 ans, Josué est considéré comme le facteur X de son équipe. “Josué est indispensable au Legia. Selon moi, c’est le meilleur joueur du championnat et surement le meilleur étranger passé par l’Ekstraklasa (D1 polonaise). Sur le terrain, il a un temps d’avance sur tout le monde, sa capacité de passe est d’un niveau stratosphérique. Je me demande même comment c’est possible qu’un joueur de ce calibre soit seulement au Legia, et pas dans un bon club du Top 5”, nous a confié Dariusz, supporter du Legia et propriétaire du compte twitter Legia Warszawa FR.

Un jeune “crack” du FC Porto

S’il brille désormais sous les couleurs du Legia, Josué n’avait certainement pas imaginé connaître la Pologne durant sa carrière de footballeur. Son rêve et celui de son père, qui était d’ailleurs le seul lien que Josué entretenait avec sa famille avant le décès de ce dernier, c’était de briller dans son club de cœur, le FC Porto. Un club que le gaucher a côtoyé à plusieurs reprises dans sa carrière, sans jamais vraiment parvenir à s’y imposer.

Né à quelques kilomètres de Porto, Josué a rejoint le plus grand club de la région à l’âge de sept ans et demi, soit un peu plus d’une dizaine d’années avant d’effectuer ses grands débuts à l’Estadio do Dragão. “J’ai été appelé par l’entraîneur Jesualdo Ferreira pour jouer mon premier match avec l’équipe première. C’était un match de Coupe de la Ligue contre le Vitoria de Setubal. Non, je n’étais pas nerveux, j’étais surtout très excité à l’idée de pouvoir jouer avec mon club de cœur, d’aller dans ce stade, dans le vestiaire avec tous ces grands joueurs”, a-t-il révélé dans les colonnes de Tribuna Expresso. Mais le bonheur aura été de courte durée. A peine une minute passée sur le pré ce soir-là, ce qui ne laisse pas vraiment envisager une place grandissante dans les rangs des Dragões.

La saison suivante, Josué est prêté au SC Covilhã, où sa relation avec l’un des deux entraîneurs qu’il fréquente, João Salcedas, s’apparente à un premier obstacle majeur dans sa progression. “J’ai eu des problèmes avec lui. Il a menti dans la presse à mon sujet. Il a dit que j’avais eu un mauvais comportement avec d’autres joueurs. A l’époque, j’arrivais de la formation du FC Porto avec une mauvaise réputation, et il s’est servi de ça pour justifier certaines choses. Les joueurs qui étaient présents au club à cette époque savent ce qu’il s’est passé et que ça ne correspond pas à ce qu’il a raconté dans la presse”, a lancé le joueur.

Une mauvaise relation qui a finalement eu raison de son passage à Covilhã. Le jeune milieu offensif se retrouve ensuite à Penafiel, avant d’être une nouvelle fois prêté aux Pays-Bas, au VVV Venlo, avec qui le FC Porto entretient alors de bonnes relations. Là-bas, Josué a la lourde tache de remplacer la star de l’équipe, le Japonais Keisuke Honda, tout juste parti au CSKA Moscou. Mission impossible pour le Portugais, qui décide finalement de rentrer au pays seulement quelques mois plus tard.

Paulo Fonseca a “changé la vie” de Josué

Malgré plusieurs prêts effectués pour engranger de l’expérience, Josué n’entre toujours pas dans les plans de son club formateur. L’issue est inévitable : en 2011, il quitte son club de toujours pour tenter de se relancer du côté de Paços de Ferreira, à trente minutes de là. Pour sa première saison dans l’élite, il dispute 19 rencontres, sans vraiment s’imposer comme un titulaire au sein de l’équipe qui termine dans le ventre mou du classement. Ce n’est que la saison suivante, sous les ordres d’un certain Paulo Fonseca, que le gaucher connaît un “déclic” qui a changé sa vie.

Tout juste arrivé du CD Aves, l’actuel entraîneur du LOSC comprend rapidement qu’il se trouve face à un diamant brut. Très au-dessus de la moyenne sur le plan technique, Josué a toutes les qualités pour s’imposer comme un joueur majeur de l’effectif de Paços de Ferreira. Seulement, l’entraîneur portugais lui reproche alors quelques kilos en trop : une faute éliminatoire pour ce dernier, qui décide donc dans un premier temps de se passer de son jeune joueur. “On devait se peser deux fois par semaine, j’étais au-dessus de mon poids de forme. Paulo Fonseca m’a dit que je devais maigrir pour jouer. Je n’étais pas d’accord, je me sentais bien et je pensais mieux connaître mon corps. Je ne voulais pas perdre de poids. Puis il a commencé à instaurer un système d’amendes pour les joueurs qui ne faisaient pas le poids. Je ne voulais pas payer, jusqu’au jour où il m’a obligé à courir jusqu’à l’épuisement après un entraînement. Après cela, il m’a dit “si tu es là c’est parce que je crois en toi. Je ne vais pas te lâcher.” Cela a été un déclic dans ma carrière. Avant ça, je voulais même quitter le club. C’était la facilité, étant donné que je ne jouais pas. Mais je suis finalement resté et je me suis entraîné davantage. A partir de là, tout a changé dans ma vie”, se souvient Josué dans les colonnes de Tribuna Expresso.

Josué Fonseca
Josué et Paulo Fonseca à Paços de Ferreira.

Après cette première mésentente avec Paulo Fonseca, Josué devient un membre essentiel du onze de Paços de Ferreira, qui réalise cette saison-là un parcours historique en championnat. En effet, le club portugais termine à une surprenante troisième place, ce qui permet à Josué de se démarquer auprès d’autres clubs plus prestigieux. Convoité notamment par l’Olympique de Marseille, le Portugais est sur le point de s’engager en faveur du Sporting lorsque son club de toujours, le FC Porto, refait surface. Tout juste séparé du duo João MoutinhoJames Rodriguez, le club du Nord du Portugal recrute donc Josué à l’été 2013 pour tenter de se reconstruire.

Mais le milieu offensif gaucher n’est pas le seul membre de Paços de Ferreira à rejoindre les rangs des Dragões. Dans la foulée, le club enregistre également l’arrivée de Paulo Fonseca, alors reconnu comme l’un des entraîneurs portugais les plus prometteurs de la nouvelle génération. Une aubaine pour Josué, qui retrouve alors son club de cœur, mais également un entraîneur qu’il apprécie. Et sur le plan individuel, cette première saison à Porto se déroule plutôt bien. Au total, le natif de Valongo marque 5 buts et délivre 10 passes décisives sous les couleurs bleues et blanches. Seulement, sur le plan collectif, le bilan est nettement moins positif. En reconstruction après une série de départs majeurs, le club enregistre l’une des pires saisons de son histoire avec une élimination précoce en Ligue des Champions et une décevante troisième place en championnat. Des performances qui ont finalement eu raison du poste de Paulo Fonseca.

Et après un court passage de Luis Castro sur le banc du FC Porto, c’est Julen Lopetegui qui reprend les rennes du club portugais. S’en suit une vague d’arrivées, dont celle d’Oliver Torres, et Josué est invité à découvrir une nouvelle position sur le terrain. Peu considéré par le nouvel entraîneur, le Portugais doit se contenter d’évoluer à un poste plus reculé : celui de milieu défensif. “Je n’avais jamais joué à ce poste et ce n’est pas n’importe quel joueur qui peut s’adapter à cette position. Je lui ai dit que je ne voulais pas jouer là, que je préférais être prêté ailleurs que de jouer à ce poste. Et c’est ce qu’il s’est passé”, se souvient-il.

Des voyages à l’étranger pour se construire

Quatre ans après une première expérience mitigée aux Pays-Bas, Josué retrouve l’étranger. C’est d’abord en Turquie que le Portugais tente de se relancer. Prêté au Bursaspor, il effectue une saison et demi plutôt réussie, où il marque 9 buts et délivre autant de passes décisives en 56 matchs sur les pelouses turques.

A l’issue de ce passage réussi, il demande à rejoindre le SC Braga sous la forme d’un prêt, de sorte à retrouver son entraîneur favori, Paulo Fonseca. “C’était curieux. J’étais au Portugais parce que c’était la trêve hivernale en Turquie. Je mangeais avec ma femme devant Braga – Belenenses. Ce jour-là il faisait froid, et si il y avait 100 personnes présentes dans la stade, c’était déjà bien. Je regardais la télévision et j’ai dit “et si j’allais jouer à Braga ?” Je m’étais mis en tête d’aller en parler à Paulo Fonseca. Financièrement, le club ne pouvait pas s’aligner sur ce que je gagnais, mais nous nous sommes arrangés pour trouver une solution”, a-t-il déclaré quelques années plus tard, avant de justifier cette soudaine décision : “C’était un club en progression avec des bons joueurs, mais le plus important c’était Paulo Fonseca. Je savais qu’en retravaillant avec lui, j’allais pouvoir jouer et atteindre un autre niveau”. S’en suivent six mois plutôt réussis, avec notamment un titre remporté en Coupe du Portugal, face… au FC Porto. Avec un but de Josué, évidemment : “c’était difficile, plusieurs supporters de Porto m’ont critiqué, d’autres ont compris. Je n’ai pas fêté ce but par respect pour le club qui m’a formé et pour lequel j’étais toujours sous contrat”.

Josué Braga
Josué après son but en finale contre le FC Porto.

Une dernière expérience dans le Nord du Portugal, qui marque peut-être la fin de la carrière de Josué au Portugal. Après cela, le milieu de terrain, qui a d’ailleurs connu ses quatre premières apparitions avec la Seleção entre temps, décide de quitter ses terres d’origines pour construire sa légende loin de ses bases. Après Braga, Josué retrouve la Turquie où il s’engage sur un nouveau prêt d’une saison avec Galatasaray. Définitivement reconnu comme un réel talent en terres turques, il signe ensuite un contrat avec Osmanlispor (désormais Ankaraspor). Si le paysage de la capitale turque plaît à Josué, ce dernier est alors touché par l’épreuve qu’il considère à ce jour comme “la plus difficile de sa vie”. Sa femme, Joanna, est atteinte d’un cancer, ce qui éloigne petit à petit le joueur du football et l’incite à rompre son contrat avec son club, après seulement dix matchs disputés.

Après une pause de six mois, passée en partie à Dubaï au sein d’une académie de haute performance sportive, Josué a retrouvé la Turquie sous les couleurs d’Akhisarspor. Et si sa femme a finalement été épargnée par la maladie, le joueur rencontre alors d’autres soucis. “C’était un club très mal organisé. On jouais le jeudi en Ligue Europa et on voyageait le mardi avec des vols de trois escales. On dormait quelques heures, puis on prenait des bus…. On faisait des choses inexplicables et dans une équipe professionnelle qui joue l’Europe, ce sont des choses qui se paient. On n’avait pas le repos adéquat pour être performants. C’était de l’amateurisme, et ce n’est pas surprenant que ce club soit depuis tombé en troisième ou en quatrième division”, a-t-il confié à MaisFutebol.

“Changer d’air” : tel a été le mot d’ordre pour Josué en 2019, lorsqu’il a plié bagages pour rejoindre Israël et l’Hapoël Beer-Sheva. Eloigné de sa femme et de sa fille, restées au Portugal pour la scolarité de cette dernière, le Portugais découvre un nouvel environnement. “Honnêtement, je me suis senti en sécurité en Israël jusqu’à ma deuxième année. A ce moment, il y a eu des bombardements dans le pays, et c’est la première fois de ma vie que je me suis senti vraiment en danger. J’ai entendu des bombes tomber à quelques kilomètres de chez moi. J’étais dans un bunker et j’entendais des bombes, des avions passer, et l’alarme sonnait toutes les cinq minutes pour nous indiquer qu’on devait se rendre au bunker. C’était plus de dix jours de stress”, se souvient le joueur.

Sur le plan sportif, le bilan est plutôt mitigé. Au sein de deux saisons très largement perturbées par le Covid-19 et par ces soucis géopolitiques qui ont précédé son départ au Legia, Josué a pu montrer ses deux visages. Celui d’un joueur exceptionnel, auteur de 19 buts et de 12 passes décisives en 66 rencontres avec le club israélien, mais également la partie la plus sombre de sa personnalité. Sur la période, il a parfois montré de réels signes de nervosité, écopant un total de 22 cartons jaunes et 2 rouges sur les 66 rencontres disputées. Un comportement parfois limite, qui lui a d’ailleurs valu certaines critiques auprès des observateurs du football israélien. “Josué est l’un des meilleurs joueurs que j’ai vu jouer à l’Hapoel Beer Sheva mais son tempérament et son attitudes sont choquants”, pouvons-nous lire sur ce tweet d’un supporter.

Quel héritage ?

Si on apprécie volontiers la qualité de son pied gauche, son caractère bien trempé est, en effet, une autre caractéristique notable qui a marqué la carrière du joueur. A bientôt 33 ans, et alors qu’il réussit une excellente saison en Pologne, sa personnalité clivante a encore tendance à lui jouer des tours. “La presse polonaise a tendance à le descendre pour son caractère. Pour moi, ce n’est pas vraiment justifié car il n’a pas non plus fait grand chose, si ce n’est d’avoir refusé de serrer la main à un adversaire. Malgré son talent, il n’est pas aimé par les supporters des autres clubs du pays, mais ça, c’est aussi parce que le Legia est le club le plus détesté en Pologne”, nous a confié Dariusz.

Le public portugais n’aura finalement eu que quelques mois pour apprécier son talent. Sa carrière, c’est principalement à l’étranger qu’il l’a effectué. D’abord en Turquie, puis en Israël, avant de découvrir la Pologne. Et s’il arrive à la fin de son contrat, Josué n’envisage pas pour autant de retrouver ses terres natales, où il n’aura finalement jamais pu vraiment s’imposer. “Je ne pense pas qu’un retour au Portugal soit envisageable. Cela fait maintenant plusieurs années que je suis parti et mon ambition, pour le moment, ça serait de rester à l’étranger”, a-t-il confié à MaisFutebol en novembre dernier. Le Portugal a-t-il manqué l’un de ses talents ? Josué a-t-il, de son côté, manqué de patience et de maturité pour s’imposer dans son pays ? Le parcours de l’ancien “crack” du centre de formation du FC Porto est ce qu’il est, et si le grand public portugais ne saurait estimer son talent à sa juste valeur, le gaucher aura quant à lui pu exposer ses exploits à travers bien d’autres horizons.

Crédit photo : IconSport

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