Pilier de la défense du Vitoria Guimarães, Edmond Tapsoba est une des révélations de cette saison en Liga NOS. Le jeune burkinabé de 20 ans s’est confié à Trivela. De son enfance au Burkina, à sa rencontre avec Deco en passant par ses deux années au Portugal, il n’élude aucun sujet.
On aimerait revenir sur ton début de saison. Tu es une des révélations de Liga NOS, comment vis-tu cette mise en lumière ?
Tout d’abord, je veux vraiment dire que tout ce qui m’arrive c’est grâce à la confiance que le coach Ivo Vieira m’a accordée. Je ne cesserai jamais de le remercier pour ça. Avec une confiance pareille, n’importe quel joueur pourrait se faire voir comme je le fais actuellement. Derrière ça, il y a bien sûr le travail à l’entraînement et aussi l’aide de mes coéquipiers qui ne cessent de me conseiller chaque jour. Tout ça m’a permis d’être élu deuxième meilleur défenseur du championnat au mois de septembre. C’est une fierté même si j’aurais voulu être premier (rires).
La pré-saison a tout changé pour toi. Comment as-tu réussi à convaincre Ivo Vieira de t’installer dans le onze titulaire ?
Je pense qu’il me connaissait depuis l’année passée. Ivo Vieira est un coach qui aime beaucoup jouer et avoir la possession du ballon. Comme la relance est un de mes points forts, ça m’a peut-être aidé. J’ai aussi fait une bonne pré-saison en réalisant de bons matchs amicaux. J’ai une relation de confiance avec lui. Il me donne beaucoup de conseils notamment sur la concentration, le jeu aérien et la lecture du jeu.
Si tu devais décrire Edmond Tapsoba en tant que joueur et en tant qu’homme ?
Sur le terrain, je suis un défenseur central assez calme, le sang froid est une de mes qualités. Je suis à l’aise dans les sorties de balle, j’ai un bon jeu long et je suis plutôt rapide. Sinon en dehors du football je suis un gars qui aime bien s’amuser, je parle beaucoup aussi !
Tu as aussi la particularité d’être un défenseur buteur, déjà sept buts dont cinq sur penaltys. Les travailles-tu à l’entraînement ?
Oui c’est vrai que c’est aussi une de mes qualités. Quand j’étais au centre de formation à Salitas au Burkina, c’est moi qui tirais les penaltys. Quand je suis venu ici à Guimarães en équipe B j’ai continué à les frapper. En début de saison le coach m’a donné cette possibilité donc je l’ai saisi. Je m’entraîne tous les jours à l’entrainement. La technique est simple : je choisis un côté et je mets la force.
L’année dernière, tu évoluais encore en réserve. Tu avais joué une trentaine de matchs et inscrits sept buts. Considères-tu être dans la lancée de ta saison 2018-2019 en deuxième division ?
Oui, on peut dire ça. Le rêve des joueurs en équipe B c’était d’aller en A, d’abord à l’entraînement et ensuite de jouer les matchs. C’est ce qui s’est passé pour moi, mais il faut continuer à travailler. Tout va vite dans le football, on a vu des jeunes de 17-18 ans jouer la Ligue des Champions. Alors pourquoi pas moi à 20 ans ? En tout cas, je mets toutes les chances de mon côté.
Comment s’est passée cette transition « jouer en réserve – titulaire en équipe première » ?
J’ai senti plus d’exigence, mais la grosse différence c’est surtout de jouer devant 20 000 spectateurs ! J’insiste encore là-dessus, mais quand le coach te fait confiance c’est quand même plus facile.
Edmond Tapsoba : « On veut finir dans le top 5 »
Quels objectifs vous êtes-vous fixés cette saison ?
On veut finir dans le top 5 du championnat, et pourquoi pas remporter un titre. Quand je dis ça, je ne parle pas de jouer la cinquième place, si on peut finir plus haut on le fera. Nos adversaires principaux, Braga, le Sporting et Famalicão, sont de belles équipes qui jouent bien au football. La différence se fera dans les confrontations directes, il faudra mettre le paquet pour les surpasser.
Pour l’instant, vous êtes cinquième, mais Guimarães alterne entre le bon et le moins bon. Comment expliques-tu ce manque de régularité ?
On a un bon effectif, mais actuellement on a beaucoup de blessés donc on est limités. Ça peut aussi être dû à la fatigue parce qu’on enchaîne les matchs, notamment en semaine avec la Coupe d’Europe.
Considérez-vous la qualification pour les phases finales d’Europa League comme inaccessible ?
Non, dans le football tout est possible. C’est vrai qu’on a perdu nos trois premiers matchs, mais il en reste encore trois. Le deuxième n’a que six points donc je me dis que ça peut encore le faire. On a des motifs d’espoirs, le match face à Arsenal était bon. On perd dans les dernières minutes sur deux exploits individuels, c’est vraiment dommage.
Qu’as-tu ressenti lors de ces matchs de Coupe d’’Europe ?
Ça m’a fait énormément plaisir, n’importe qui aimerait jouer ce genre de matchs. J’ai acquis de l’expérience donc je suis forcément satisfait d’autant plus car c’était aussi un rêve. Tout ça me donne envie d’y re-goûter.
Ça fait donc maintenant plus de deux ans que tu es au Portugal. Comment as-tu atterri à Leixões, en juillet 2017 ?
Je suis arrivé grâce à un coach portugais de mon académie à Ouagadougou. Quand il est revenu au Portugal, il a parlé de moi à un de ses amis qui était directeur sportif à Leixões. Le club m’a contacté pour un essai et ça a été concluant donc j’ai signé avec les U19.
Comment s’est passée ton acclimatation sur le terrain ?
J’ai senti qu’il y avait plus d’intensité qu’au Burkina même si je jouais en junior. On avait une bonne équipe avec laquelle on s’était qualifié pour le second tour du championnat junior donc tout s’était bien passé.
Edmond Tapsoba : « Le Portugal, mon deuxième pays »
Et en dehors ?
Tout a été simple parce que je suis tombé sur des bonnes personnes. J’ai été bien accueilli et ils m’ont fait me sentir chez moi. J’étais comme dans ma deuxième maison, mon deuxième pays. Forcément, ça m’a facilité la tâche pour l’apprentissage de la langue. J’ai appris au contact de mes coéquipiers et aujourd’hui je me débrouille très bien.
Qu’est ce que tu retiens de ton passage à Leixões?
Ce passage m’a fait avancer en tant qu’homme et en tant que joueur. J’ai gardé de bons contacts avec les gens là-bas notamment mon coach U19. Il m’appelle encore après chaque match pour débriefer. Il me dit ce que j’ai fait de bien ou de moins bien et surtout m’explique comment je pourrais m’améliorer.
Très vite, six moins après ton arrivée, tu rejoins Guimarães. Raconte nous comment c’est arrivé.
Tout a commencé lors du championnat U19, on a joué à Guimarães avec Leixões. Après le match, ils ont appelé Maïga Boureima, mon directeur de centre de formation, à Ouaga’, pour parler d’un éventuel transfert. Et c’est là que Deco m’a contacté pour me dire qu’il avait un club pour moi. Il voulait savoir si j’avais un agent ou pas. À l’époque c’était mon directeur de centre de formation qui gérait ma carrière. Je les ai mis en contact et lors d’une réunion avec le vice-président de Guimarães, j’ai signé mon contrat.
Edmond Tapsoba : « Quand Deco m’a appelé je n’y croyais pas »
Quelle a été ta réaction quand Deco t’a appelé ?
Je n’y croyais pas en fait ! Pour moi, c’était quelqu’un qui se faisait passer pour lui. C’est lors du premier rendez-vous que j’ai réalisé, j’étais bouche bée. Là, il m’a expliqué le projet qu’il avait pour moi. J’ai trouvé ça fantastique donc je n’ai même pas hésité.
Les six premiers mois à Guimarães tu n’as pas joué avec la réserve. Comment as-tu vécu ça ?
Oui, je m’entraînais avec la réserve, mais je n’étais pas convoqué pour les matchs. Ça a été une période difficile pour moi. Je suis arrivé en janvier dans un club où le coach avait déjà son équipe donc je n’ai pas pu m’imposer. Alors, je suis allé voir le directeur sportif pour lui demander de m’entraîner et jouer avec les U19 pour gagner en temps de jeu. Cette décision m’a été bénéfique.
Sinon comment est la vie à Guimarães ?
Guimarães est une très belle ville, c’est calme alors j’aime bien. Maintenant que je suis en A, je suis un peu connu dans la ville. Cette notoriété fait plaisir et en même temps c’est un peu gênant. Souvent quand je sors j’ai envie de profiter un maximum avec mes amis, mais on m’arrête pour une photo. Mais attention je ne vais pas m’en plaindre.
Qu’est-ce qui occupe ton temps libre ?
En dehors des entraînements, j’aime bien être chez moi pour me reposer, c’est important. J’aime passer du temps avec mes amis et les gens que j’aime. Sinon je joue à Fifa sur la play’, cette année je peux jouer avec mon joueur. C’est assez cool, mais j’ai une note trop faible (rires).
As-tu une anecdote marquante sur tes deux années au Portugal ?
Oui ! C’était lors de mon premier match au Portugal avec Leixões. Au club, on disait qu’on allait avoir une défense solide en U19 avec mon arrivée. Sauf que rien ne se passe comme prévu : cinq minutes de jeu 1-0 pour Rio Ave. Huitième minute : 2-0. Là, je commence à rigoler parce que sans moi l’équipe n’avait pas encore perdu ! On revient après la pause et à la 47ème on réduit le score. Plus tard dans le match, on obtient un coup-franc anecdotique au milieu de terrain. Je vois le gardien avancé, je le joue rapidement et tente le lob. Ça finit au fond, on égalise à 2-2 et le match se termine comme ça. C’est depuis ce jour que tout a commencé et que je me suis fait voir.
Edmond Tapsoba : « J’ai dû quitter la maison tôt pour aller chercher un gagne-pain »
Tu es parti très jeune de ton pays natal. Quels souvenirs gardes-tu de ton enfance au Burkina ?
La vie ici au Portugal et celle au Burkina ne sont pas du tout pareilles. En Afrique, chacun se bat pour sa famille. Moi je viens d’une famille pauvre donc j’ai dû quitter la maison tôt pour aller chercher un gagne-pain. Au centre de formation on était payés, donc cet argent servait aussi à la maison.
Peux-tu nous raconter tes premiers pas dans le football ?
J’ai commencé à jouer au quartier à Karpala d’où je suis originaire. Ensuite, je suis rentré au centre de formation au Salitas à 14ans. On avait une année de formation, et comme on était la première promotion du centre on a formé l’équipe première. On est d’abord monté en D3 sénior puis D2. Notre première saison en D2 on termine 2ème ce qui était insuffisant pour monter, mais on a accédé à la D1 la saison d’après. On était l’équipe la plus jeune des championnats, mais ce n’était pas forcément compliqué parce qu’on avait beaucoup de talents comme Hassane Bandé (Ajax Amsterdam), Abou Ouattara (LOSC) et Trova Boni (Malines). Le football est un sport très aimé au Burkina, c’est le plus populaire même si le championnat n’est pas tout à fait pro.
Depuis 2016, tu es aussi international avec ton pays. Qu’est ce que ça représente pour toi ?
C’est une grande fierté de représenter le drapeau et mon pays. En sélection, tout se passe bien, les anciens me donnent les conseils nécessaires pour grandir.
Tu dois être la fierté de la famille. Comment vivent-ils ta nouvelle notoriété ?
Ils sont contents pour moi. Souvent après les matchs mon père m’appelle pour me dire comment les gens parlent de moi à Ouaga’ et pour me féliciter pour mon match. Il est fier de moi et fier de lui même. Et à vrai dire moi aussi je suis très fier car je suis en train de sortir mes parents de la pauvreté. C’était un des objectifs que je m’étais fixés en arrivant ici.
Comment avez-vous vécu l’éloignement mutuel ?
Mon départ n’a été pas facile pour eux, ils me disaient que j’allais leur manquer. Dans le même temps, ils étaient contents pour moi, car c’est ce que je voulais faire. Quand j’ai eu l’opportunité d’aller en Europe, ils m’ont soutenu. C’était la première fois que je m’éloignais de mes parents donc c’était compliqué pour moi aussi. Il y a des moments où j’ai failli craquer, mais quand je pensais à mes parents et ce qu’ils vivaient au Burkina ça me donnait encore plus de force.
Le tirage au sort pour les qualifications à la CAN 2021 a rendu son verdict. Le Burkina Faso jouera dans le groupe B avec l’Ouganda, le Malawi, le Soudan du Sud. Quel est ton avis sur cette poule ?
Ce n’est pas une poule facile comme on pourrait le penser. Aujourd’hui, tous les pays ont des arguments. Je me dis tout de même qu’on est favoris de ce groupe malgré notre absence à la dernière CAN. On a envie de bien figurer dans cette compétition.
Edmond Tapsoba : « Je me sens affecté par la situation au Burkina »
Le Burkina Faso est un pays en proie à l’insécurité, il est touché par des attaques terroristes depuis plusieurs années. Comment vis-tu ça de l’étranger ?
Ça m’attriste de savoir que mon pays traverse une période difficile. Je regarde les nouvelles et je me sens affecté par la situation et par tout ce qui arrive. J’essaye de me convaincre que ça va aller et que tout va rentrer dans l’ordre.
Penses-tu que le football peut être un moyen, le temps d’un match ou d’une compétition, d’oublier un peu tout ça ?
Oui, j’en suis persuadé. Je me rappelle d’un jour de match au Burkina où on affrontait le Botswana. Le pays avait subi une attaque et tout le monde était triste, mais après notre victoire 3-0 le pays était en fête comme si rien ne s’était passé. Une victoire n’effacera pas ces tragiques évènements, mais elle pourrait permettre au pays de regagner un peu de joie.
Comment envisages-tu l’avenir en sélection, mais aussi en club ? As-tu un plan de carrière en tête ?
Je veux aider mon pays à se qualifier pour la CAN et remporter un titre si possible, pour rendre mes parents encore plus fiers de moi. En club, je veux jouer le plus possible pour aider mon équipe à atteindre ses objectifs et rendre heureux les supporters. J’aspire à jouer au plus haut niveau possible, c’est-à-dire arriver dans les cinq grands championnats avec une préférence pour l’Angleterre.
Trivela tient à remercier Edmond Tapsoba pour sa disponibilité.
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