Actuellement leader de la Liga NOS avec le Sporting, le jeune entraîneur portugais Ruben Amorim a complètement changé le visage du club lisboète en l’espace d’un an. Analyse d’un succès maitrisé de bout en bout.
Le 5 mars prochain, Ruben Amorim fêtera son premier anniversaire sur le banc du Sporting CP. Et si aujourd’hui, l’entraîneur de 36 ans a d’ores et déjà conquis tous les observateurs du football portugais, et commence même à se faire un nom à l’échelle du football européen en s’installant, chaque semaine, un peu plus confortablement sur le fauteuil de leader de la Liga NOS, son aventure lisboète était loin d’être une réussite assurée. Dans un Sporting en difficulté, venant de céder l’un des meilleurs joueurs de son histoire moderne à Manchester United, Ruben Amorim a dû faire preuve d’intelligence et de flexibilité tout en restant fidèle à ses principes, pour redorer le blason d’un club qui attend un sacre depuis près de 20 ans.
« J’ai vraiment eu peur pour lui »
« Mais qu’est ce qu’il va faire là-bas ? » Voilà une question que beaucoup se sont posés au moment où Ruben Amorim, à qui tout réussissait depuis son arrivée sur le banc de Braga trois mois plus tôt, a été officialisé en tant que nouvel entraîneur du Sporting en cours de saison, en remplacement de Jorge Silas. Une annonce qui a créé de nombreux doutes, expliqués notamment par un contexte Bracarense qui semblait coller parfaitement à ce dont il avait besoin pour continuer d’apprendre ce nouveau métier, mais également par sa passion totalement assumée pour le grand rival du Sporting, le SL Benfica.
Des doutes évoqués par la presse, donc, mais aussi par les proches de l’entraîneur, qui commençaient tout juste à savourer le succès nouveau de leur poulain sous les couleurs de Braga. La mère de Ruben Amorim, Anabela Francisco, a d’ailleurs tout récemment raconté son angoisse liée à la signature de son fils en terre lisboète : « Quand il m’a dit qu’il allait entraîner le Sporting, j’ai eu un peu peur. Il était si bien à Braga, tout se passait pour le mieux, j’ai vraiment eu peur pour lui », a-t-elle expliqué au micro d’Antena 1.
Un montant astronomique à assumer
10 millions d’euros, voilà ce qu’ont dû débourser les dirigeants du Sporting pour s’attacher les services de l’entraîneur ayant dirigé, jusque là, seulement 13 petits matchs au plus haut niveau. Une somme astronomique, qui place d’ailleurs l’entraîneur portugais au troisième rang des techniciens les plus chères de l’histoire du football, juste derrière son compatriote André Villas-Boas. Mais que signifie ce risque pris par la direction du Sporting, pourtant en difficulté financière ? Et quel est l’intérêt, pour le prometteur Ruben Amorim, de rejoindre un projet aussi risqué en tout début de carrière ? Peut-être qu’après tout, les dix millions d’euros investis sur son potentiel ont été vus par l’entraîneur comme une forme de garantie de la part de ses futurs dirigeants, visiblement disposés à lui laisser devenir la tête d’affiche d’un projet ambitieux visant à reconquérir le football portugais.
Homme fort du nouveau projet basé sur la valorisation des actifs
Très attaché à la formation des jeunes joueurs, comme en témoignent les éclosions de Francisco Trincão et de David Carmo durant son passage à Braga, Ruben Amorim a, semble-t-il, été perçu comme un investissement à moyen-long terme par la direction du Sporting, représentée par le président du club Frederico Varandas : « Ce n’est pas un all-in, c’est juste le début d’un nouveau projet, un changement de paradigme, a-t-il expliqué lors de la présentation officielle de l’entraîneur. Nous avons choisi Ruben Amorim parce qu’il est un entraîneur capable de valoriser les joueurs, y compris ceux de notre centre de formation, et de leur permettre de maximiser leur potentiel. »
Travail et humilité avant tout
Et s’il peut compter sur le soutien de sa direction, Ruben Amorim sait qu’il doit rapidement faire ses preuves afin de mettre un terme aux nombreux doutes des supporters à son sujet. Pour autant, le Portugais a opté pour un discours relativement sobre durant sa présentation officielle. « Je pourrais avoir les plus belles paroles du monde, je pourrais essayer de convaincre tous ces supporters qui doutent de moi, mais ça ne m’intéresse pas. Au football, la seule chose qui compte, c’est de gagner. Celui qui gagne est le meilleur, celui qui perd n’a plus de valeur. C’est la loi du football, je suis préparé pour ce défi, bien qu’il soit exigent », a-t-il expliqué à son arrivée.
Un discours honnête, bien qu’ambitieux, qui s’impose comme l’une des premières clés du succès de Ruben Amorim. Pas franchement adepte des grandes promesses visant à nourrir l’espoir des supporters les plus naïfs, l’ancien international portugais apparaît plutôt comme une force tranquille, sûr de ses capacités, qui préfère prouver que promettre. Une attitude rassurante et pleine de leadership qui, forcément, renforce son aura auprès des supporters et de son groupe.
Convaincu que les résultats passent, avant tout, par l’exigence dans le travail, Ruben Amorim a, depuis son arrivée, gardé cette même ligne de conduite, alors qu’il est actuellement leader du championnat avec pas moins de dix points d’avance sur son dauphin : « Si j’interdis à mes joueurs de parler de titre ? Chacun dit ce qu’il veut dans notre équipe, je n’interdis aucun mot, aucune réflexion. Les seules choses que je leur interdis c’est d’arrêter de travailler, de courir et de faire ce qu’ils ont à faire sur le terrain. Ça oui, chez moi, c’est interdit », a-t-il déclaré ce lundi, suite à la victoire des siens face au Paços de Ferreira. Malgré le succès impressionnant qu’il rencontre depuis ses débuts dans le club lisboète, les deux pieds de Ruben Amorim sont bels et bien sur terres, et la remise en question est visiblement quotidienne.
Ruben Amorim : « J’ai une ligne de conduite »
Mais alors, comment Ruben Amorim arrive-t-il a imposer l’exigence qui le caractérise à l’ensemble de son groupe ? La réponse est simple, l’entraîneur du Sporting applique un management à son image, extrêmement exigeant.
Depuis son arrivée à Lisbonne, le Portugais a démontré qu’il n’était pas du genre à faire des compromis dans sa façon de gérer son effectif. Il l’a prouvé notamment durant la fin de saison dernière, lorsqu’il a assumé le choix fort de sortir l’un de ses cadres de son groupe, en la personne de Jeremy Mathieu, pour un match de championnat. « Je n’ai pas retenu Mathieu parce qu’il y a une ligne à suivre, avait expliqué l’entraîneur. Qu’il s’agisse d’un jeune joueur comme Nuno Mendes ou de Jeremy Mathieu, pour moi, c’est la même chose. Le fait qu’il vienne de Barcelone ne m’intéresse pas. J’ai une ligne de conduite, si elle est suivie, tout va bien.”
Et s’il n’hésite pas à entrer en opposition avec ses cadres les plus expérimentés, Ruben Amorim se montre tout aussi exigeant avec ses jeunes joueurs les plus talentueux. Véritable révélation de la deuxième partie de saison dernière en Liga NOS, Eduardo Quaresma a lui aussi été mis à l’écart cette saison, en raison d’une attitude jugée « trop suffisante » par l’entraîneur de 36 ans. L’international U20 portugais, convoité notamment par Arsenal, a d’ailleurs été envoyé à plusieurs reprises en équipe réserve, et n’a disputé que 2 petites rencontres dans l’élite cette saison.
L’éclosion de plusieurs jeunes
Avec fermeté et rigueur, Ruben Amorim applique à la lettre les principes de base qui commencent à coller à son personnage, qui est de plus en plus apprécié pour son honnêteté et sa justesse. Les supporters du Sporting sont d’ailleurs les premiers ravis de constater que dans leur club, chaque joueur semble avoir une chance de s’imposer s’il le mérite, et qu’aucun autre critère que le niveau de jeu et la réceptivité de chacun aux besoins tactiques de l’entraîneur n’entrent en compte dans le jugement de celui-ci. Pas même l’âge, ou le niveau d’expérience.
En effet, cette volonté d’instaurer une concurrence saine à tous les postes a permis à certains jeunes joueurs de se faire une place dans la rotation de Ruben Amorim. Devenu titulaire indiscutable dans le couloir gauche, le jeune Nuno Mendes (18 ans), s’est même imposé comme une référence à son poste dans le championnat portugais. De l’autre côté, l’Espagnol Pedro Porro (21 ans) est également en train de s’affirmer comme une valeur sûre de l’effectif de Ruben Amorim, en enchaînant les prestations remarquables. D’autres jeunes joueurs comme Matheus Nunes (21 ans) et Tiago Tomas (18 ans) parviennent également à tirer leur épingle du jeu et à se faire une place dans la tactique de l’entraîneur portugais.
La fameux 3-4-3 de Ruben Amorim
La tactique, on en vient. Car si sa communication et son management sont au centre de son succès, l’approche tactique du Sporting est également l’un des points clés de la réussite de Ruben Amorim. A l’image de ce qu’il avait déjà démontré avec Braga, le natif de Lisbonne est un adepte du 3-4-3, qu’on peut également qualifier de 5-2-3 en phases défensives.
L’entraîneur portugais aligne donc, quasi-systématiquement, une défense composée de trois joueurs, avec Sebastian Coates en tour de contrôle, et deux défenseurs centraux excentrés capables d’exécuter la première relance, souvent à mi-distance, à destination des deux milieux de terrain axiaux. Ces derniers, généralement interposés derrière la première ligne de pression adverse, servent de relai entre la défense et l’attaque en phase de possession, et de principaux investigateurs des phases de récupération du ballon.
Les deux latéraux, dont les profils sont naturellement rapides et offensifs, disposent d’une importante liberté d’espace dans les couloirs, laissés libres par des ailiers généralement davantage attirés par l’intérieur du jeu, qui alternent entre décrochages et recherches de profondeur pour créer du mouvement et de l’espace. Un système particulièrement structuré, où chacun trouve sa place, qui impose, là-aussi, une exigence propre à un entraîneur qui a le souci du détail.
La bonne formule pour retrouver le titre ?
Le succès de Ruben Amorim au Sporting pourrait donc se résumer en trois principaux facteurs. Tout d’abord, une communication basée sur le travail et l’humilité, particulièrement cohérente avec le contexte d’un club qui revient sur le devant de la scène après de nombreuses années passées au second plan. Ensuite, le Portugais applique un management exigeant, visant à n’installer personne dans un quelconque confort, et favorisant la remise en question permanente de l’ensemble du groupe. Enfin, Ruben Amorim combine cela à un schéma tactique efficace, clairement défini et déjà parfaitement assimilé par chacun des éléments qui le composent.
Le tout donne une formule particulièrement complète qui permet, chaque semaine, à Ruben Amorim de se rapprocher un peu plus de l’accomplissement d’un challenge audacieux qu’il avait accepté de relever contre toute attente, il y a bientôt un an.
Crédit photo : Icon Sport
Alexandre Ribeiro a lancé le site Trivela.fr en 2019 et le dirige aujourd’hui aux côtés de ses collaborateurs. Passionné par le football portugais dans son ensemble, et notamment par l’équipe nationale portugaise, c’est avec toute son énergie et son implication qu’il fait vivre ce média de façon quotidienne.
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