Comme lors de chaque mercato, une majeure partie des talents de la Liga Bwin s’apprêtent à rejoindre d’autres destination.
Si on souhaite mesurer le potentiel d’un jeune joueur de Liga Bwin, il suffit de compter le nombre de matchs de championnat qu’il dispute avant d’être dégoté par un club étranger. Ces dernières années, le championnat d’élite du football portugais n’a cessé de voir ses meilleurs éléments s’envoler vers d’autres destinations, à des âges parfois particulièrement jeunes. Et le mercato de cet été ne semble pas déroger à cette règle. Bien au contraire. Six mois après le départ de Luis Diaz à Liverpool, Darwin Nunez et Fabio Vieira ont également signé en Premier League, pendant que Vitinha est, quant à lui, en passe de rejoindre Nuno Mendes au Paris Saint-Germain.
Un seul mot d’ordre : miser sur l’avenir
Au moment où il s’engage avec le club français pour un prêt avec option d’achat, Nuno Mendes n’a débuté que 42 rencontres avec l’équipe première du Sporting. Cela semble peu, mais c’est plus que les 33 matchs débutés par João Félix avec le SL Benfica, à l’heure de devenir un joueur de l’Atlético de Madrid contre un chèque de 126 millions d’euros. Mais alors, que dire de Fabio Vieira et de ses 29 titularisations avec l’équipe principale de Porto, qui s’apprête à être annoncé en tant que nouvelle recrue des Gunners d’Arsenal, ou de Fabio Silva, titularisé à seulement 5 reprises avec les Dragões avant de rejoindre les Wolves pour 40 millions d’euros ?
Cette habitude de voir des jeunes joueurs partir de plus en plus tôt vers l’étranger correspond aux tendances du marché ; à l’heure actuelle, un jeune joueur en sortie de formation possède souvent plus de valeur qu’un joueur confirmé, car bon nombre de clubs évoluent dans une logique souvent comparée péjorativement à du « trading », qui consiste à acheter un joueur en imaginant davantage la potentielle revente que son apport sportif immédiat. Clubs portugais, néerlandais, turcs ou belges, qui ne possèdent pas les arguments nécessaires pour lutter à armes égales avec leurs voisins anglais, allemands, français ou espagnols, sont les premières victimes de ce contexte, et donc particulièrement exposés à un pillage massif.
La Liga Bwin : des ressources financières insuffisantes
A qui la faute ? Si les clubs de Liga Bwin ne parviennent pas à conserver leurs meilleurs joueurs, c’est en grande partie dû à deux facteurs intimement liés : le manque de ressources financières du championnat, ainsi que son manque de compétitivité. Parlons d’abord de l’aspect financier, essentiel lorsqu’on évoque le sujet du mercato.
Depuis de nombreuses années, les clubs professionnels portugais, gros comme petits, sont sujets à de sérieuses contraintes sur le marché des transferts. En effet, la très grande majeure partie d’entre eux sont généralement forcés de vendre des joueurs avant même de penser à renforcer leur effectif. Sur l’ensemble de la saison écoulée, 11 des 18 clubs de l’élite possèdent, selon Transfermarkt, une balance positive sur les deux mercatos annuels. Cela signifie qu’ils ont obtenu plus de recettes qu’ils n’ont eu de dépenses sur le marché des transferts. Porté par les départs de Luis Diaz et de Danilo Pereira, c’est le FC Porto qui possède la balance la plus haute avec +37,40 millions d’euros de bénéfices sur la saison. Le SC Braga suit en deuxième position avec +25,56 millions d’euros, tandis que Benfica arrive sur la dernière marche du podium avec +24 millions d’euros.
Outre ces onze clubs aux bilans positifs, deux autres comptent des balances nulles, et cela en dit long sur les finances de ces deux clubs, à savoir le CS Maritimo et le FC Arouca. Avec des budgets très limités, les deux équipes ont dû se contenter de signer uniquement des joueurs libres ou s’attarder sur des prêts pour se renforcer, tandis qu’ils ne possédaient aucun joueur suffisamment coté sur le marché des transferts pour récolter des bénéfices. Seuls le Sporting (-5,83 millions d’euros), Boavista (-5,35 millions d’euros), Moreirense (-420 000 euros), Paços de Ferreira (-500 000 euros) et Vizela (131 000 euros) ont davantage dépensé qu’ils n’ont reçu à travers le marché des transferts sur ces douze derniers mois.
Au global, un peu moins de 102 millions d’euros ont été dépensés par les 18 clubs de Liga Bwin sur l’ensemble de la saison, tandis que ces derniers ont vendu pour 219 millions d’euros.
Ce contexte extrêmement contraignant n’est en aucun cas exclusif au football portugais, mais il est très loin d’être aussi marquant dans les championnats dits « majeurs » du circuit européen. En Premier League, 16 clubs sur 20 possèdent une balance négative sur l’ensemble de la saison, et quand celle-ci atteignait -5,83 millions d’euros pour le cas précis du Sporting, elle dépasse les -130 millions d’euros lorsqu’il s’agit d’Arsenal ou de Newcastle. Et si les ressources financières des clubs espagnols restent globalement très loin des grandes puissances anglaises, on note tout de même 14 clubs de Liga sur 20 qui affichent un résultat négatif sur la saison, avec un record à -52,95 millions d’euros pour l’Atlético de Madrid.
Des conséquences sportives immédiates
Sans surprise, le besoin de vendre avant d’acheter, présent chaque saison pour l’ensemble des clubs du championnat portugais, perturbe forcément les performances sportives de ces équipes et donc la qualité globale de la Liga Bwin. En effet, du plus modeste au plus puissant, les clubs portugais voient souvent leurs meilleurs éléments quitter le navire dès le début du mercato pour rejoindre des championnats plus intéressants sportivement et/ou financièrement, comme la Premier League anglaise, la Serie A italienne ou encore la Liga espagnole. Outre les départs de Darwin Nunez du Benfica, de Vitinha et de Fabio Vieira de Porto déjà évoqués, nous avons d’ores et déjà assisté à des pertes notables chez des clubs plus modestes, comme Samuel Lino et Pedrinho de Gil Vicente, partis respectivement à l’Atlético de Madrid et au club turc du MKE Ankaragücü. La Turquie, c’est également le choix de destination privilégié par la référence offensive de Santa Clara, Lincoln, tout juste transféré au Fenerbahçe. La révélation d’Estoril, André Franco, pourrait également quitter le Portugal et rejoindre l’Espagne, où Elche et le Celta Vigo seraient intéressés par ses qualités.
Et cette fuite des talents semble se ressentir également dans les performances européennes des clubs portugais. Cette saison, ces derniers n’ont récolté « que » 12,916 points au coefficient UEFA. C’est certes, mieux que l’Autriche (10,400) ou l’Ecosse (7,900), mais cela ne suffira pas pour permettre au Portugal de conserver sa sixième place. En effet, les Pays-Bas, septièmes, ont récolté pas moins de 19,200 points sur la campagne, quand la France en a glané 18,416, l’Espagne 18,428 et l’Angleterre 21,000.
Force est de constater que le Portugal ne boxe pas dans la même cour que ces nations, où les instances ont su prendre des décisions pertinentes pour favoriser l’équité économique au sein des championnats et donc, la compétitivité sportive.
La raison principale d’un échec : les droits télévisuels
En effet, si le Portugal fait du surplace d’années en années et ne peut désormais plus prétendre à voir ses clubs jouer les premiers rôles en Ligue des Champions, c’est notamment en raison d’un système de redistribution des droits télévisuels extrêmement contesté, qui ne cesse d’agrandir les écarts entre les deux extrémités du tableau.
Contrairement à ses voisins européens, le football portugais n’a toujours pas centralisé les droits télévisuels de ses clubs professionnels. En d’autres termes, lorsqu’en France ou en Angleterre, les droits télévisuels des clubs de première division sont la propriété d’une instance, les clubs portugais sont eux-mêmes propriétaires de leurs droits télévisuels et peuvent donc négocier avec différents opérateurs pour autoriser la diffusion de leurs rencontres de championnat.
Un système archaïque qui favorise très nettement les inégalités déjà présentes structurellement au sein des clubs. Par exemple, en 2018, le FC Porto a cédé les droits télévisuels de ses matchs de championnats joués à domicile, ainsi que l’exploitation des espaces publicitaires de son stade au groupe Altice pour 10 saisons contre un chèque de 457,5 millions d’euros, tandis que d’autres clubs de l’élite nettement moins attractifs négocient leurs droits télévisuels pour un montant annuel compris entre 3 et 6 millions d’euros.
Quand en Liga Bwin, l’écart des montants perçus via les droits télévisuels entre le club le mieux rémunéré et celui qui récolte le moins d’argent est de 15, il est de 1,3 en Premier League, où les équipes du bas de tableau sont volontairement valorisées pour maintenir une compétitivité forte et donc un championnat attractif, tant pour les joueurs que pour les spectateurs.
Une lueur d’espoir ?
Cependant, ce système mortifère pour le football professionnel portugais devrait être amené à cesser. Initialement prévue pour 2028, soit l’année à laquelle les derniers contrats clubs-opérateurs actuellement en cours doivent prendre fin, la centralisation des droits télévisuels pourrait être anticipée de quelques années, en raison notamment du besoin financier urgent de certains clubs portugais suite à la pandémie. Sapo.pt évoquait notamment un projet avancé pour la saison 2023/2024, qui viendrait donc soulager les clubs les plus modestes en leur apportant des ressources inédites.
Selon la source indiquée, les droits télévisuels des clubs de Liga Bwin pourraient, une fois centralisés, être vendus à 300 millions d’euros et donc, partagés équitablement selon des critères purement sportifs comme la place de chaque équipe au classement en fin de saison. Inutile de préciser que cela aura inévitablement l’effet d’une révolution, alors que l’ensemble des revenus en droits télévisuels des clubs de première division portugaise dépasse à peine les 170 millions d’euros à l’heure actuelle, et que ces derniers sont très inéquitablement répartis avec une immense majorité détenue par les « trois gros », à savoir le FC Porto, le SL Benfica et le Sporting CP.
Une révolution qui aura de quoi donner une lueur d’espoir aux clubs de football professionnel portugais. En attendant un changement aussi inévitable que nécessaire, il faudra continuer de constater, de façon impuissante, la fuite des meilleurs talents vers des clubs bien plus attractifs.
Crédit photo : IconSport
Alexandre Ribeiro a lancé le site Trivela.fr en 2019 et le dirige aujourd’hui aux côtés de ses collaborateurs. Passionné par le football portugais dans son ensemble, et notamment par l’équipe nationale portugaise, c’est avec toute son énergie et son implication qu’il fait vivre ce média de façon quotidienne.
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