Après une formation en France, des passages mitigés en Grèce et en Irlande, puis de saisons réalisées en D2 portugaise et en D1 bulgare, Gaïus Makouta a eu l’opportunité de rejoindre Boavista dans l’élite du football portugais. En exclusivité pour Trivela, l’international congolais s’est livré sur son club actuel.
Retrouvez la partie 1 et la partie 2 de cet entretien.
Comment s’est passée ta signature à Boavista ?
Honnêtement, j’ai dit oui à tout. Le salaire, tout ça, je n’ai rien négocié. Tout m’allait, j’étais trop excité. Je voulais juste y aller et jouer le plus rapidement possible. Ils m’ont dit qu’ils s’intéressaient à moi, que je venais pour avoir du temps de jeu, que le coach appréciait mon profil. Après, c’était à moi de jouer.
Est-ce que le fait que le propriétaire du club, Gérard Lopez, était également le propriétaire d’un grand club français comme le LOSC, a pu peser dans la balance au moment de rejoindre le club ?
Pas du tout. Je savais que Gérard Lopez détenait le club mais je savais aussi que Boavista c’était Boavista et que Lille c’était Lille. C’est le même propriétaire mais les deux clubs n’avaient rien à voir entre eux. Je ne pensais pas à ça. Je voulais juste jouer en première division, disputer des gros matchs. Je pensais plus à moi qu’à ce qu’il y avait autour du projet. J’ai pensé que c’était mieux pour moi d’aller à Boavista qu’en National à Châteauroux. Si je n’avais pas eu cette opportunité, c’est là-bas que je serais allé. En vrai, il n’y avait rien d’autre pour moi.
« Avec Ntep, on pouvait parler ensemble pendant des heures »
Comment juges-tu tes débuts à Boavista ?
C’était ma chance, je ne pouvais pas la laisser passer. Boavista m’a ouvert les portes, m’a donné la visibilité que j’espérais et que personne ne m’a accordé. Pour ma première saison, j’ai joué beaucoup de matchs. Quasiment tous. J’ai essayé de faire ce que j’avais à faire, d’avoir la bonne mentalité, le bon comportement. Je voulais mettre tous les atouts de mon côté, je ne voulais pas me louper. Des fois c’est une chance, pas deux.
Est-ce que tu as senti au fil du temps un changement de statut au Portugal ? Une notoriété croissante ?
Je reste toujours le même. Après, je ne regarde pas trop la télé, je ne lis pas les journaux. Certains me disent des choses, mais je ne ressens pas vraiment ce que les gens pensent de moi. Je sais que je suis plutôt apprécié par les gens du club, les supporters. Je n’en fais pas plus que ce que je dois faire. Je ne sais pas trop ce qu’on pense de moi, que ça soit les joueurs et les coachs adverses, les supporters des autres équipes… Je ne regarde pas trop tout ça.
A Boavista, tu as notamment croisé la route de Javi Garcia, ancien joueur cadre du SL Benfica puis de Manchester City. As-tu eu l’occasion de profiter de son expérience pour progresser ?
Quand je suis arrivé, Javi était le plus gros nom de l’effectif. C’est un mec ouvert, tu peux parler avec lui normalement, sans souci, mais il trainait plus avec les hispaniques. Malheureusement il a souvent été blessé, je n’ai pas forcément pu parler longtemps avec lui. Il m’a raconté quelques petites anecdotes à Manchester City, il m’a dit que Yaya Touré l’avait beaucoup marqué. Il a parlé des Aguero, des Nasri, mais pas plus que ça. On n’avait pas non plus un lien super étroit.
C’est plus quand j’ai vu qu’on allait signer Paul-Georges Ntep que je me suis dit « waw ». Quand j’étais à Auxerre, lui était en réserve et on parlait beaucoup de lui. Ntep, c’est quelqu’un. L’Equipe de France, le Stade Rennais… C’était un nom dans le football français à une époque. J’étais content qu’il vienne. Depuis, c’est devenu un ami proche. C’est plus avec lui que j’ai parlé du très haut niveau. Il me parlait de la mentalité, me donnait de bons conseils, sans pour autant se la raconter. Il parlait de tout, de blessures, de pression, d’argent… Mais il n’en faisait pas trop, il ne jouait pas l’ancien. C’était des conversations très intéressantes que j’ai adoré. On pouvait parler ensemble pendant des heures.
« Petit ? Je ne le connaissais même pas. »
Tu côtoies actuellement un autre grand nom du football portugais, en la personne de Petit…
Quand Petit est arrivé, je t’avoue que j’ai eu chaud. Avec toutes les histoires que j’ai eues… João Pedro Sousa me voulait à Boavista, et là on allait avoir un nouveau coach… Est-ce qu’il allait me faire jouer ? J’avais des doutes. Au final, il est venu et m’a fait jouer. Perso, je ne le connaissais même pas. Ni en tant que joueur, ni en tant qu’entraîneur. J’ai vu après coup qu’il avait été nommé joueur portugais de l’année à une époque où il devait y avoir des Figo, des Deco… Il a fait des Coupes du Monde, tout ça… Il est très reconnu en fait, il a fait beaucoup de choses. C’est l’année dernière que j’ai vraiment découvert ce personnage. C’est quelqu’un. Ici c’est chez lui, il est très apprécié par les supporters.
Comment expliques-tu le succès qu’il rencontre actuellement ?
L’année dernière on avait une très bonne équipe, de très bons joueurs. On a mis du temps à trouver des automatismes, mais une fois qu’on a trouvé la recette… Les gens aimaient bien nous regarder jouer. On était et on est toujours une équipe intense, qui court beaucoup. On faisait des surprises, des nuls par ci, des victoires par là. On a mis du temps mais on a réussi à faire de bonnes choses. Cette saison, c’est la continuité. On a perdu des joueurs mais on a toujours une colonne vertébrale qui nous permet de garder le fil. La direction est à fond derrière le coach Petit, elle le laisse travailler, ça facilite les choses.
Comment juges-tu ta relation avec Petit ?
Il ne me parle pas beaucoup, il ne parle jamais pour rien dire. Il me donne quelques conseils parce qu’il a joué au milieu de terrain à un très bon niveau, donc forcément je l’écoute très attentivement. Il a du vécu, de l’expérience. Il est légitime. Mais ce n’est pas quelqu’un qui parle beaucoup, il est plus dans l’analyse et laisse ses adjoints être plus proches de nous. Je trouve que ça fonctionne bien.
« Je me sens bien ici, j’ai la confiance de tout le monde. »
Il affectionne particulièrement le 3-4-3, au sein duquel tu joues au poste de milieu de terrain. Est-ce un schéma tactique qui te convient particulièrement ?
J’ai des habitudes, des automatismes. Je joue au milieu avec Seba (Seba Perez), on a peut-être une quarantaine de matchs ensemble, beaucoup de repères, de fluidité. Le coach Petit me pousse à me projeter davantage, à jouer un peu plus proche des attaquants. Il sait que je peux aider l’équipe de cette façon. J’ai pris goût à ce système, même si j’aime bien aussi jouer dans un milieu à trois avec un 6 derrière moi, ça me permet d’être un peu moins préoccupé par la défense. A deux au milieu, c’est beaucoup de travail. Je ne peux pas laisser Seba tout seul, il faut vite revenir à chaque fois. Surtout quand on joue contre des équipes qui jouent à trois milieux ou avec des attaquants qui aiment décrocher. Tout ça demande beaucoup de cardio, beaucoup d’efforts. C’est notre jeu, on joue de façon intense.
Cet été, le club a été touché par des problèmes financiers qui l’a empêché d’inscrire de nouveaux joueurs dans l’effectif pendant plusieurs semaines. Est-ce que cela a pu semer le doute concernant ton avenir au club ?
Boavista a des problèmes financiers, tout le monde le sait. Quand tu arrives ici, tu le sais. Moi-même, quand je suis arrivé ici l’an passé, je n’ai pas pu jouer les premiers matchs par rapport à ça. Cette année, quand les recrues sont arrivées et n’ont pas pu jouer, je me suis dis que c’était la même chose, je n’ai pas vu ça comme quelque chose d’inquiétant. Mais c’est vrai qu’avec les départs de cet été, on a perdu des joueurs de qualité comme Musa, Sauer, Hamache, Nathan, Porozo… On savait ce qu’on perdait sans savoir ce qu’on récupérait. C’était un peu dérangeant d’avoir vu arriver de bons joueurs qui n’ont pas pu nous aider dans l’immédiat mais d’un autre côté, on gagnait, donc on était content. On essayait de faire le job en attendant que les autres puissent nous rejoindre.
Et cette vague de départs majeurs ne t’a pas donné des envies d’ailleurs ?
Je suis bien à Boavista, je me sens bien. J’ai la confiance de tout le monde, je joue, donc on est reparti pour un deuxième tour. C’est bien aussi de trouver de la stabilité. Je suis parti en vacances détendu, sans me demander ce que j’allais faire en rentrant. Il ne faut pas se mettre de mauvaises idées dans la tête, je ne suis pas préoccupé par ce qui peut se dire. Je me concentre surtout sur le terrain.
« Je n’ai pas de revanche à prendre, si je n’ai pas réussi en France, je ne peux m’en vouloir qu’à moi-même. »
Tu t’es fait un nom en Bulgarie puis au Portugal, mais tu es encore assez méconnu du grand public français. Après les échecs que tu as connu dans ton pays natal, vois-tu un retour en France comme un objectif personnel ? Une sorte de revanche sur le passé ?
Pas du tout. La Ligue 1, ce n’est pas le meilleur championnat du monde. Le football c’est mondial, universel, il y a des bons clubs de partout. Tu n’as pas besoin de jouer en Ligue 1 pour te faire un nom et puis en vrai, je m’en moque de me faire un nom. Je fais ça parce que j’adore jouer au football mais c’est aussi un travail, je vais là où c’est le mieux pour moi. Si c’est en Ligue 1, pourquoi pas, sinon, ça sera ailleurs. Je ne fais pas du tout de fixette sur la France, je n’ai rien à prouver à personne. Je n’ai pas non plus de revanche à prendre, si je n’ai pas réussi en France, je ne peux m’en vouloir qu’à moi-même.
Existe-t-il un championnat où tu aimerais évoluer ?
La Premier League et la Bundesliga, ce sont les deux championnats que je préfère. Après, il y a des bons clubs de partout, des bons championnats de partout. Je suis capable de m’adapter à n’importe quel championnat.
« Essayer d’être une référence à mon poste. »
Au sens large, quelles sont tes principales ambitions dans le football ?
Le football ça reste un métier. Le but, c’est qu’à la fin de ma carrière, je puisse faire des choses que j’ai envie de faire, aider ma famille au maximum, pouvoir me lancer dans d’autres choses qui me plaisent. C’est ma passion, quelque chose que j’adore faire, mais c’est avant tout un travail. Je veux aller dans les meilleurs clubs possibles, dans les meilleurs championnats possibles, avoir les meilleurs contrats possibles et essayer d’être une référence à mon poste. Je ne veux pas être le meilleur joueur du monde, mais être une référence. Comme on peut parler d’un Essien, d’un Makélélé, d’un Yaya Touré, d’un Lampard, d’un Paul Scholes… Ce sont des noms qui restent dans l’histoire, des références. Si je peux devenir une référence, ça serait déjà beaucoup. Mais pour ça, il faut jouer dans des grands clubs, faire les bons choix. Je veux aussi rendre fière ma mère. Elle a dépensé beaucoup d’énergie et de temps pour moi malgré la distance, malgré que le fait que j’ai aussi deux sœurs. Beaucoup de nuits blanches, beaucoup de prières… tout ça c’est aussi son combat, ma réussite et mes échecs sont aussi les siens. Elle me soutient énormément, alors j’essaie de tout faire pour la rendre heureuse et fière, pour que ses efforts soient récompensés.
En dehors du football, on t’a également vu participer à des projets associatifs. Tu es d’ailleurs le parrain de l’association Motivés par l’Amour. Peux-tu nous en dire plus ?
Quand je peux, j’essaie toujours d’aider les gens. Je sais que je ne vais pas régler tous les problèmes du monde alors j’essaie de commencer par ma famille proche. C’est important d’être un soutien sur lequel les gens peuvent compter. Motivés par l’Amour, c’est une association que ma grande sœur et son mari ont fondé, ils font plusieurs actions humanitaires comme donner à manger à des gens dans le besoin, offrir des fournitures scolaires, donner des vêtements, se déplacer dans les hôpitaux… Ils font beaucoup de choses pour les gens, que ça soit les personnes âgées, les enfants… Ma sœur m’a demandé si je voulais bien être le parrain de l’association par rapport au statut et à l’influence que j’ai à Combs-la-Ville. J’ai accepté directement. Je n’ai pas encore pu me déplacer avec eux parce que je ne suis pas présent en France mais j’essaie d’apporter ma contribution, notamment sur le plan financier. Je fais des dons pour qu’ils puissent acheter ce qu’il faut quand il le faut. Aider les personnes dans le besoin, à qui tu peux donner un petit sourire, c’est super important.
Vous pouvez soutenir l’association Motivés Par l’Amour en cliquant sur ce lien.
Toute l’équipe de Trivela.fr tient à remercier chaleureusement Gaïus Makouta pour cet entretien et à lui souhaiter une excellente continuation.
Crédit photo : IconSport
Alexandre Ribeiro a lancé le site Trivela.fr en 2019 et le dirige aujourd’hui aux côtés de ses collaborateurs. Passionné par le football portugais dans son ensemble, et notamment par l’équipe nationale portugaise, c’est avec toute son énergie et son implication qu’il fait vivre ce média de façon quotidienne.
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